Isabelle Kocher, la patronne d'Engie, poussée vers la sortie

Par Jérôme Marin  |   |  523  mots
Ces derniers jours, la patronne d'Engie avait abattu ses dernières cartes pour essayer de sauver son poste. (Crédits : Benoit Tessier)
Le mandat de la seule femme dirigeante d'une entreprise du CAC 40 ne devrait pas être renouvelé ce jeudi à l'occasion d'un conseil d'administration. Son sort semblait scellé depuis plusieurs semaines, sans que l'État, premier actionnaire du groupe énergétique, ne s'y oppose.

Ce soir-là, Isabelle Kocher avait bien tenté d'afficher l'unité à la tête d'Engie. Devant des journalistes, le 25 novembre dernier, la directrice générale du groupe énergétique français n'avait pas manqué de saluer Jean-Pierre Clamadieu, le président du conseil d'administration. Mais derrière les sourires de façade et les politesses d'usage, se jouait déjà une redoutable guerre des chefs. Une bataille finalement gagnée par l'ancien patron du chimiste Solvay : ce jeudi, le conseil d'Engie devrait entériner l'éviction de la seule femme dirigeante d'une entreprise du CAC 40. Celle-ci interviendra en mai prochain, au terme de son mandat.

L'opération de communication d'Isabelle Kocher avait débuté dès le matin, en ouverture d'un "séminaire presse" de plusieurs heures. L'objectif était clair: défendre le bilan de ses trois premières années de responsabilités. Et plus particulièrement la transformation de l'ex-GDF Suez vers les services énergétiques et les énergies renouvelables, symbolisée par de vastes cessions d'actifs et la décision de sortir du charbon. Une stratégie sur trois ans, adoptée début 2019 mais qui cristallise désormais des critiques au sein des administrateurs. Et qui prenait encore du temps à se matérialiser en Bourse. "Cela ne se fait pas du jour au lendemain", avait rétorqué Isabelle Kocher.

Dernières cartes

Ces derniers jours, la patronne d'Engie avait abattu ses dernières cartes pour essayer de sauver son poste. Dans un message adressé aux administrateurs, elle avait d'abord proposé des ajustements de la gouvernance de l'entreprise, qui auraient notamment renforcé les pouvoirs Jean-Pierre Clamadieu. Puis, elle avait lancé une nouvelle offensive médiatique, en accordant une interview au Journal du Dimanche, dans laquelle elle dénonçait une "campagne négative pour le moins surprenante". Et en appelait à Emmanuel Macron, l'État étant le premier actionnaire de la société.

"J'ai le profil pour diriger Engie", avait-elle également assuré, se félicitant d'avoir "redressé et totalement repositionné" un groupe "en décroissance forte et surendetté", qui "avait un genou à terre" à son arrivée. Lundi 3 février, une cinquantaine de personnalités économiques et politiques lui avaient par ailleurs apporté leur soutien dans une tribune publiée dans Les Echos. Une campagne de presse contre-productive, qui n'a fait qu'agacer un peu plus les administrateurs. Et accélérer le calendrier: initialement prévu fin février, le vote sur le renouvellement du mandat d'Isabelle Kocher a été avancé de trois semaines.

De fait, le sort de la responsable semblait scellé depuis plusieurs semaines, sans susciter d'opposition de l'État actionnaire, avec lequel elle a parfois eu des relations difficiles. Ses détracteurs reprochent à Isabelle Kocher une stratégie jugée illisible, qui met l'accent sur des secteurs qui tardent à produire un impact positif sur les résultats financiers. Si la société a renoué avec la croissance des profits, soulignent-ils, c'est avant tout grâce au gaz et au nucléaire belge. Ils remettent également en cause ses qualités managériales et le recrutement de certains dirigeants. D'autres départs sont donc à prévoir au cours des prochains mois.