L'Etat prendra 100% du contrôle d'EDF le 8 juin, selon Bruno Le Maire

Par latribune.fr  |   |  1245  mots
« Cela va nous permettre de réaliser dans les meilleures conditions possibles le programme de construction de six nouveaux EPR (réacteurs nucléaires de dernière génération, ndlr) », a assuré Bruno Le Maire au micro de RTL. (Crédits : CHRISTIAN HARTMANN)
La renationalisation de l'énergéticien a pu aboutir, malgré les contestations des petits actionnaires. Ainsi, l'Etat contrôlera 100% d'EDF à compter du 8 juin, a annoncé Bruno Le Maire au micro de RTL ce mardi matin. Le rachat complet d'EDF, annoncé en juillet dernier, est chiffré à 9,7 milliards d'euros.

La renationalisation d'EDF est sur le point d'aboutir dans les faits. Annoncée en juillet dernier, cette opération est stratégique pour l'Etat. Ce dernier détenait l'an dernier 84% du fleuron électrique national, avant l'OPA. Le rachat complet d'EDF sera définitif le 8 juin prochain, a annoncé Bruno Le Maire au micro de RTL ce mardi matin. « Le 8 juin, l'Etat aura 100% du contrôle d'EDF », a confirmé le ministre de l'Economie.

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« Cela va nous permettre de réaliser dans les meilleures conditions possibles le programme de construction de six nouveaux EPR (réacteurs nucléaires de dernière génération, ndlr) » et « renforce l'indépendance énergétique du pays », a-t-il assuré.

Des mois de retard

« Cela nous permet aussi de fixer des exigences claires à EDF », a ajouté Bruno Le Maire. Tout cela doit aussi aboutir au « prix le plus bas possible » pour les clients et « garantir l'unité d'EDF », a-t-il poursuivi. En renationalisant, les pouvoirs publics souhaitent épargner à EDF les contraintes de la Bourse, et ainsi lui permettre de relancer plus vite le nucléaire en finançant la prolongation d'un parc vieillissant, au moment où le gaz russe fait défaut, et la construction dans les prochaines décennies d'au moins six nouveaux réacteurs.

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Dans les faits, le rachat complet d'EDF est le fruit d'un long parcours, semé d'embûches. Le gouvernement avait annoncé en juillet 2022 son intention de reprendre le contrôle total du groupe, mais l'opération a pris des mois de retard sur le calendrier initial. Début mai, la reprise du contrôle d'EDF par l'Etat a pu accélérer. La justice a en effet rejeté le recours des petits porteurs de l'entreprise, qui espéraient obtenir un meilleur prix pour leurs actions, ce qui a ainsi permis à l'offre publique d'acquisition (OPA) de se poursuivre.

L'Etat détient à ce jour « au moins 98,04% » des droits de vote, selon un communiqué de l'Autorité des marchés financiers (AMF) publié début mai. « L'Etat a adressé ce jour à l'AMF une demande de mise en œuvre du retrait obligatoire », avait complété le ministère de l'Economie. Objectif affiché : forcer les détenteurs des 2% restants à vendre leurs actions.

Conflit avec les petits actionnaires

Des actionnaires salariés d'EDF, qui s'estiment floués par les termes financiers de la renationalisation de l'électricien, ont décidé le 12 mai dernier d'intenter un nouveau recours pour obtenir un « complément de prix » pour leurs titres, a-t-on appris auprès de leur représentante.

Les représentants des porteurs de parts ont décidé « à l'unanimité » d'engager un « recours indemnitaire devant le Conseil d'Etat », avait confirmé à l'AFP Martine Faure, présidente du Fonds commun de placement en actions (FCPE), qui représente quelque 100.000 salariés ou retraités d'EDF qui ont placé leur argent dans le groupe. Ils entendent ainsi « invoquer la notion de juste indemnité pour l'expropriation des actionnaires salariés en considérant que 12 euros n'est toujours pas un prix équitable », a-t-elle expliqué au sujet de ce recours.

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Ces actionnaires ont contesté pendant des mois par de multiples recours le prix de 12 euros par action fixé par l'Etat, réclamant a minima 15 euros alors qu'à l'ouverture du capital de l'énergéticien, en 2005, l'action en valait 32, avec une remise de 20% pour les salariés à 25,60 euros.

Des revenus en hausse

Ils renoncent en revanche à contester de nouveau la décision de l'Autorité des marchés financiers (AMF). Celle-ci avait en effet déclaré conforme l'offre publique d'acquisition simplifiée de l'Etat sur les titres EDF. Le dernier recours de ce type avait été rejeté le 2 mai dernier par la cour d'appel de Paris, donnant la possibilité à l'Etat de rouvrir le processus d'OPA. Les actionnaires qui possédaient encore des titres d'EDF pouvaient les vendre, du 4 au 17 mai, date de la clôture définitive de l'opération, à l'Etat français, qui détenait déjà près de 96% du capital de la société avant la décision de la cour d'appel.

Fin avril, EDF a dévoilé des revenus en hausse de 34,6% au premier trimestre 2023 par rapport à l'an dernier à la même époque, à 47,8 milliards d'euros, portés par la hausse des prix du marché et en dépit du recul de sa production nucléaire. « La nette progression du chiffre d'affaires s'explique essentiellement par une hausse des prix de vente de l'électricité et du gaz, résultant de la hausse des prix de marché en particulier en France et au Royaume-Uni », avait expliqué le groupe, qui ne livre pas de chiffre trimestriel sur son rendement.

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Sur fond de flambée générale des prix de l'énergie, ces trois premiers mois de l'année ont aussi vu EDF gagner en France plus de 200.000 clients résidentiels. La clientèle bénéficiant de l'option Tempo a particulièrement crû (+55% par rapport à fin mars 2022). Les clients souscrivant à cet abonnement sont incités grâce aux tarifs à ne pas consommer en période « rouge », synonyme de très forte tension sur le réseau électrique. A l'inverse, le chiffre d'affaires d'EDF a pâti ce trimestre du bouclier tarifaire, instauré en France pour limiter la hausse des factures des consommateurs, et d'une baisse de la consommation gazière.

2022, année noire pour EDF

Pendant ces trois premiers mois, le groupe a aussi livré 85,2 TWh d'électricité nucléaire en France, soit 6,5 TWh de moins qu'au 1er trimestre 2022. Cette baisse est liée à la moindre disponibilité du parc, du fait d'arrêts imposés par l'examen et les réparations de circuits concernés par un phénomène de corrosion. L'électricien souligne aussi les effets induits par les mouvements sociaux.

L'an dernier, le géant de l'électricité avait subi une perte massive de 17,9 milliards d'euros, creusant son endettement à un niveau également record de 64,5 milliards d'euros, au terme d'une année noire plombée par les déboires de son parc nucléaire mais aussi par sa contribution forcée au bouclier tarifaire. L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a approuvé le nouveau calendrier proposé par EDF pour contrôler les soudures à risque de fissures dans ses réacteurs nucléaires.

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La série noire avait commencé en octobre 2021 par la découverte d'une micro-fissure dans une des centrales les plus récentes et puissantes, un phénomène appelé « corrosion sous contrainte ». Mais EDF a dû réviser son programme de contrôle après la découverte récente d'une fissure, très importante cette fois, dans une conduite d'un réacteur de Penly (Seine-Maritime). Pour cette année, EDF garde la même estimation de production nucléaire en France pour 2023, à 300-330 TWh, selon son communiqué de vendredi.

(Avec AFP)