
Ambiance tendue ce jeudi à l'Assemblée nationale. Les députés ont été amenés à se prononcer sur une proposition de loi, portée par la gauche et soutenue par la droite et le RN, pour « protéger EDF d'un démembrement ». Elle a été validée par 127 voix contre 89, et une abstention.
Le scrutin s'est tenu au bout de longues heures de débats et une série de suspensions de séance, perçues par la gauche comme autant de « manœuvres » et tentatives d' « obstruction » du camp présidentiel.
La nationalisation absente du texte mais bien présente
Le texte avait déjà été adopté une première fois par l'Assemblée puis le Sénat. La chambre haute avait cependant supprimé son article 1er, qui devait permettre d'inscrire dans la loi la « nationalisation d'EDF ». « Le mot n'y figure plus mais cela ne change absolument rien », a affirmé ce jeudi 4 mai le député PS Philippe Brun, auteur du texte examiné lors d'une « niche » du groupe communiste.
Le Sénat dominé par la droite a en revanche proposé de fixer dans la loi le fait qu'EDF est une société anonyme « d'intérêt national », dont le capital est « détenu à 100% par l'État », ce que l'Assemblée a conservé. Par un amendement de Philippe Brun, il est toutefois prévu l'ouverture d'au moins « 1,50% » du capital aux employés et à certains anciens salariés.
Le gouvernement argue qu'il mène déjà une nationalisation d'EDF, l'État détenant à ce stade « 96% du capital », selon le ministre de l'Industrie Roland Lescure. L'offre publique d'achat (OPA) doit être finalisée, après une décision favorable de la cour d'appel de Paris rendue ce mardi. Son enjeu est crucial puisqu'elle a pour but de libérer EDF de la Bourse pour lui permettre de relancer plus vite le nucléaire en finançant le renouvellement d'un parc vieillissant.
Une liste de missions qui cristallise les tensions
Philippe Brun, comme son co-rapporteur communiste Sébastien Jumel, ont en outre insisté pour inscrire dans la loi une liste de « missions » assurées par EDF (production, transport, distribution...). Leur but : empêcher l'exécutif de ressusciter « Hercule », le projet controversé de restructuration qui visait à scinder le groupe EDF en trois parties distinctes (production nucléaire, énergies renouvelables et distribution de l'électricité, barrages hydroélectriques). En gestation à partir de 2018, il avait toutefois été suspendu en juillet 2021 face à la fronde des syndicats, de nombreux élus et de tractations infructueuses auprès de la Commission européenne.
« Hercule est mort et enterré », a répété Roland Lescure. « Pourquoi avez-vous peur de l'inscrire dans la loi ? », lui a rétorqué Patrick Hetzel (LR).
Majorité et ministre avancent que cette liste de missions risque de créer des lourdeurs dans la gestion d'EDF, voire d'empêcher une restructuration future. « C'est un article qui bride EDF dans son activité », a tancé Jean-René Cazeneuve (Renaissance), ce qu'a réfuté Philippe Brun.
Des tarifs réglementés élargis
Concernant les tarifs réglementés de vente d'électricité, les députés en ont étendu le bénéfice aux PME, alors que le Sénat l'avait restreint aux TPE, visant notamment les artisans-boulangers. Roland Lescure s'est élevé contre le coût de la mesure, de 11 milliards d'euros, soulignant les aides en place.
Parmi les bénéficiaires, les députés ont de surcroît ajouté les collectivités de moins de 50.000 habitants, sur proposition de LR. La navette parlementaire doit désormais se poursuivre avec le Sénat, et la gauche espère un vote conforme rapidement.
(Avec AFP)
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