La fin des véhicules thermiques en 2040, un enjeu d’abord pour les réseaux électriques

Par Dominique Pialot  |   |  900  mots
Vers une domination des voitures électriques... en 2040.
Perçu comme la mesure phare du plan climat annoncé par le ministre de l’Ecologie Nicolas Hulot le 6 juillet, l’objectif de mettre un terme à la commercialisation des véhicules essence et diesel présente autant d’enjeux pour les réseaux électriques que pour les constructeurs automobiles.

Parmi les six grands thèmes et 23 axes développés par Nicolas Hulot dans le cadre de son plan climat, c'est la mesure qui a le plus retenu l'attention concerne « l'objectif de mettre fin à la vente de voitures émettant des gaz à effet de serre en 2040 », autrement dit, les véhicules essence et diesel. Ce qui laisse 23 ans aux constructeurs pour s'adapter. Évoquant l'annonce d'une gamme entièrement électrifiée pour 2019, faite par Volvo la veille, Nicolas Hulot a assuré qu'ils avaient déjà anticipé cette évolution.

Il a, par ailleurs, tenu à préciser que, ce faisant, la France rejoignait d'autres pays tels que les Pays-Bas et la Norvège (qui ont annoncé la fin des voitures thermiques pour 2025) ou encore l'Allemagne et même l'Inde (2030).

« La fin des véhicules uniquement diesel ou essence est dans l'air du temps, observe Amaury Klossa, consultant expert de la transition énergétique chez Emerton. La France ne fait que s'inscrire dans un mouvement impulsé largement au-delà de nos frontières, que nos constructeurs ont déjà commencé à anticiper. L'échéance (2040) laisse le temps aux constructeurs de s'y préparer et ils seront tôt ou tard contraints de se plier à cette nouvelle donne pour pouvoir écouler leurs modèles dans des marchés essentiels tels que la Chine ou l'Inde », ajoute-t-il.

D'ailleurs, Nicolas Hulot l'a rappelé lors de son audition au Sénat ce 12 juillet, les constructeurs ont réagi à ses annonces par un « chiche » de bon augure.

Une question de puissance plus que de consommation

Le vrai sujet, ce ne serait pas tant celui des constructeurs automobiles, que des infrastructures d'énergie, que ce soit les réseaux électriques ou les infrastructures des énergies fossiles. « Pour ces dernières, il importe de prendre en compte les futurs coûts échoués relatifs aux infrastructures hydrocarbonées et la place du gaz dans la transition », souligne Amaury Klossa.

Pour les premiers, la question se pose moins en termes de volumes d'électricité consommée que de puissance.

Pour Damien Siess, en charge de la stratégie à l'Union française de l'électricité (UFE), « il faut en finir avec le fantasme du relais de croissance pour les électriciens ». Le véhicule électrique est très efficace et sobre, et 10 millions de véhicules électriques ne feraient grimper la consommation que de 10 terrawattheures, soit 2% de l'énergie électrique aujourd'hui consommée en France.

« La fin de la vente de véhicules à essence et diesel en 2040 ne signifie pas la disparition du parc thermique, rappelle pour sa part Jean-Baptiste Galland, directeur de la stratégie chez Enedis. Nos hypothèses de travail actuelles, calées sur la PPE, sont de 5 millions de véhicules électriques et hybrides rechargeables en 2030. »

Rapprochement entre acteurs de l'automobile et de l'énergie

Quel que soit le nombre réel de véhicules tout électriques ou hybrides rechargeables en circulation sur les routes françaises après 2040, « le véritable sujet est celui de l'impact de la recharge de ces véhicules sur le réseau », détaille-t-il.

« Cette question de la charge et du positionnement des bornes sur le réseau électrique se pose également pour les bus électriques », précise-t-il, évoquant notamment l'équipement 100% électrique prévu par la ville de Paris à l'horizon 2025 mais également par nombre d'autres villes.

« Il faut que les appels de puissance en simultané soient bien gérés, à un coût acceptable, renchérit Damien Siess. Il est crucial que tous les développements (non seulement les bornes, mais aussi les logiciels), soient 'smart ready' d'entrée de jeu. »

C'est pourquoi Enedis travaille avec les professionnels de l'électricité sur le « smart charging », qui consiste à organiser au mieux la gestion de la recharge. « Sur le plan de la technologie, le pilotage des réseaux et la communication via les bornes sont au point », affirme M.Galland. Reste à développer une communication directe entre les véhicules et les bornes ou les opérateurs de mobilité. C'est précisément la vocation du GIREVE (Groupement pour l'itinérance des recharges électriques de véhicules) qui rassemble Enedis, Renault, la CDC, EDF et la CNR.

« Les mondes de l'automobile et de l'électricité travaillent désormais main dans la main, se réjouit Jean-Baptiste Galland. Le maître mot sera celui de la coordination entre acteurs. », insiste-t-il.

Le stockage au centre de la transition énergétique

Pour Christophe Bourgueil, en charge du développement commercial dans l'activité stockage d'Eaton (spécialiste de la conversion, le management et la protection de l'énergie), le plan climat présenté par Nicolas Hulot annonce « une accélération de la transition énergétique ». Le développement des énergies renouvelables et des véhicules électriques, accompagné par des modifications profondes des usages et de la consommation électrique, implique d'ajouter au système électrique des « éléments de flexibilité », donc de stockage. En partenariat avec Nissan, Eaton travaille sur le repackaging de batteries de véhicules électriques usagées à des fins de stockage résidentiel ou industriel, ou à la fabrication de bancs de recharge. Même si le cadre réglementaire reste à préciser concernant la définition, l'utilisation et la rémunération du stockage, ce secteur n'en apparaît pas moins comme l'un des pivots de la transition énergétique, rendu plus urgent encore par cette accélération attendue du déploiement de la mobilité électrique.