La France cherche à remplacer le pétrole russe avec celui des Emirats Arabes Unis

Par latribune.fr  |   |  753  mots
(Crédits : Reuters)
La France est en "discussions" avec les Émirats arabes unis pour trouver des solutions de remplacement au pétrole russe frappé d'un embargo européen, a affirmé dimanche le ministre français de l'Économie Bruno Le Maire sur Europe 1 et CNews.

Comment se passer des énergies russes, dont l'achat par les Occidentaux contribue à financer la guerre en Ukraine ? Ce casse-tête préoccupe l'Europe depuis des mois. Et pour s'affranchir du pétrole russe, qui fait l'objet de sanctions de l'Union européenne, la France se tourne désormais davantage vers les Emirats Arabes Unis.

Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, l'a annoncé ce dimanche matin sur CNews. Selon lui, la France a déjà engagé des discussions avec les Emirats Arabes Unis, tout en précisant que Paris cherche "des substituts à l'approvisionnement en gaz ou en diesel venus de Russie".

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Le 6è paquet de sanctions touche les deux tiers des achats européens en énergie russe

L'Union européenne a imposé vendredi son 6e paquet de sanctions contre Moscou, comprenant un tarissement de ses approvisionnements en pétrole. L'objectif est de moins participer au financement de la guerre russe en Ukraine au travers des achats massifs d'énergie au régime de Vladimir Poutine.

L'embargo progressif touchera les deux tiers des achats européens. L'Allemagne et la Pologne ayant décidé de leur propre chef d'arrêter leurs livraisons via l'oléoduc Droujba d'ici la fin de l'année, les importations russes seront touchées à plus de 90%, selon les Européens.

Dans ce contexte, Abou Dhabi peut être "une solution de remplacement au moins temporaire au pétrole et au diesel russes", a estimé Bruno Le Maire. Les pays membres de l'OPEP vont en tout cas augmenter leur offre de 648.000 barils par jour (b/j) en juillet et août, contre 432.000 b/j, initialement prévus. Si cette hausse ne compensera pas la perte des exportations de pétrole russe, elle devrait permettre de répondre à la demande des Etats-Unis et de l'Europe.

Plus tôt dimanche, le commissaire européen en charge du marché intérieur Thierry Breton a affirmé sur Europe 1 que "derrière, il faudra aussi, et je m'y prépare, s'exonérer du gaz" russe, citant l'augmentation voulue des importations de gaz naturel liquéfié en provenance des États-Unis et du Qatar.

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Envolée des prix de l'énergie et impact sur la croissance

La guerre a entrainé une envolée des prix énergétiques et alimentaires, pesant nettement sur les perspectives de croissance française. La croissance s'est déjà contractée de 0,2% au deuxième trimestre selon l'Insee fin mai, menaçant le pays d'une récession technique, c'est à dire deux trimestre consécutifs de contraction du PIB.

Le gouvernement français va réviser sa prévision de croissance, qui est actuellement de 4%, a ajouté le ministre de l'Économie, estimant qu'"il est évident qu'avec la guerre en Ukraine, l'inflation, tout cela va remettre en cause les perspectives".

La croissance sera toutefois "positive en 2022", a estimé Bruno Le Maire, renvoyant les annonces de révision des perspectives à après les élections législatives.

Il faut dire que l'Europe est menacée, d'après certains économistes, d'un choc pétrolier d'une ampleur similaire à ceux des années 1970"Le surcoût des importations de produits énergétiques est estimé entre 2 et 3 points de PIB pour les économies européennes, soit le même ordre de grandeur qu'en 1973-1974", expliquait en mars l'économiste Bruno Cavalier, de Oddo BHF, à La Tribune.

Ce choc risque, en effet, d'entraîner une augmentation des coûts de production pour les entreprises et une baisse du pouvoir d'achat des ménages.

"D'un modèle à l'autre, les estimations d'un choc pétrolier peuvent un peu varier, de même d'un pays européen à l'autre, mais l'ordre de grandeur est qu'une hausse de 10 dollars le baril pèse sur le niveau du PIB de 0,2-0,3 point à un horizon de deux ans", indique Bruno Cavalier.

Ainsi, si l'on part de la situation telle qu'elle était avant la pandémie du Covid-19, "le choc actuel représente une hausse de 60 dollars le baril par rapport au niveau moyen 2015-2019, de quoi amputer le PIB européen d'environ 1,2 à 1,8 point de PIB", calcule l'économiste. Autrement dit, comme la croissance pour la zone euro était estimée à 4% pour 2022, celle-ci pourrait ralentir à 2% - si les prix du pétrole restaient élevés-, voire retomber en récession si les tensions devaient s'amplifier.