Le compteur Linky redore son blason grâce à l’autoconsommation

Par Dominique Pialot  |   |  1076  mots
Pour Enedis, le compteur Linky est au coeur de la tarnsition énergétique
Longtemps réticent au développement de l’autoconsommation, Enedis veut maintenant répondre à cette « attente sociétale » et fait de son compteur intelligent le pivot de son offre.

Enfin un argument susceptible de rendre le compteur Linky séduisant pour l'usager. Qu'il s'agisse d'absorber les énergies renouvelables intermittentes ou d'accueillir les bornes de recharge de voitures électriques, Enedis, distributeur quasi unique d'électricité dans l'Hexagone, se dit de longue date au cœur de la transition énergétique. Ce qui est plus nouveau, c'est qu'il place Linky au centre de sa stratégie. Plus exactement, au cœur d'un écosystème en pleine évolution, marqué par le développement des énergies renouvelables, le décollage de la voiture électrique, l'apparition de solutions de stockage, l'avènement de la smart city...dans un contexte où particuliers, clients industriels et tertiaires et collectivités souhaitent avoir une meilleure maîtrise de leur consommation.

Mais c'est dans l'autoconsommation que Linky est présenté comme incontournable, et apportant un réel avantage au client.

L'autoconsommation enfin inscrite dans la loi

Présente dans la loi de transition énergétique adoptée en août 2015, l'autoconsommation peut-être totale ou partielle, individuelle ou collective. Dans ce dernier cas, elle peut se faire à l'échelle d'un bâtiment, d'un groupe de bâtiments, voire d'un quartier, à condition toutefois que les points de soutirage et d'injection soient situés en aval d'un même compteur, conformément à une ordonnance du 27 juillet 2016 ratifiée le 24 février dernier et assortie d'une obligation pour les gestionnaires de réseaux de faciliter les opérations d'autoconsommation, et de l'établissement d'un tarif spécifique pour rémunérer l'utilisation du réseau.

Enedis anticipe que dans la plupart des cas, l'autoconsommateur ne sera pas autosuffisant en permanence et devra donc conserver un fournisseur d'électricité, qui sera responsable de l'équilibre entre la production et la consommation. À l'inverse, les petits producteurs pourront céder gracieusement leur surplus de production à Enedis. Pour les producteurs plus importants, la revente sur le marché ou par obligation d'achat implique de s'enregistrer comme vendeur.

15 jours pour l'autoconsommation individuelle sans injection

Dans le premier cas, une convention simplifiée d'autoconsommation sans injection est signée avec Enedis, l'installation devant être dimensionnée aux besoins du bâtiment, ce qui peut se faire en quinze jours via le site d'Enedis, qui propose cette offre depuis 2016. Capable de collecter, transmettre et stocker des informations du producteur vers le réseau et vice versa et de fournir des données certifiées à des fins notamment  de facturation, le compteur intelligent Linky joue un rôle central dans le dispositif. Et surtout, il est gratuit, contrairement aux installations dont devaient jusqu'alors s'équiper les producteurs souhaitant injecter leur surplus d'électricité dans le réseau. Ces derniers ayant dû conclure des contrats de rachat avec EDF valables 20 ans, Enedis ne devrait pas faire face de sitôt à un afflux de demandes trop important.

Deux ans de tests pour l'autoconsommation collective

L'autoconsommation collective, en revanche, qu'elle concerne une copropriété, un lotissement, un office d'HLM, une coopérative de production locale, un ensemble tertiaire ou un mix de tertiaires et de résidentiels, s'avère plus complexe. Enedis prévoit donc de mener une dizaine de tests en 2017 avant de monter en puissance en 2018, pour une industrialisation en 2019. La première expérimentation, qui se déroule à Perpignan avec le bureau d'études Tecsol et en partenariat avec le département des Pyrénées-Orientales, regroupe un producteur tertiaire et quatre individuels.

« Impossible aujourd'hui de savoir si la courbe de développement de l'autoconsommation va ressembler à celle de l'iPhone ou de l'iWatch », reconnaît Jean-Baptiste Galland, directeur de la stratégie d'Enedis.

Moins de refus sur le terrain

Pas sûr que l'entreprise publique soit très enthousiaste à l'idée d'un succès fulgurant. Certes, elle se veut « à l'écoute des attentes sociétales », insiste Bernard Lassus, directeur du programme Linky, pas mécontent d'avoir trouvé là un argument pour faire mieux accepter le compteur intelligent en cours de déploiement. Quelque 3,9 millions ont déjà été installés à fin mars (soit près de 10% des 35 millions visés d'ici à 2021), mais il manquait jusqu'ici d'arguments convaincants, la plupart des usagers l'estimant surtout utile au distributeur et aux fournisseurs d'électricité, certains même s'opposant violemment à son installation. Afin d'éviter que ne se multiplient les refus opposés par des associations de consommateurs ou même d'élus, Enedis admet avoir révisé sa méthode, en préparant plus en amont la concertation avec les communes concernées, et affirme que les cas de refus sont à la baisse, sans donner de chiffre. Comme l'a révélé « Que Choisir », les « poseurs » n'en sont pas moins dotés d'un kit comprenant une fiche intitulée « Que faire face au refus sur le terrain ? »

Enedis a tout à gagner du respect du calendrier négocié avec la CRE, qui doit lui garantir une rentabilité améliorée de ses capitaux investis.

Désaccord sur la rémunération du distributeur

Mais un autre point chagrine néanmoins l'entreprise publique. Le TURPE (tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité), qui assure aujourd'hui 90% de ses recettes, repose sur deux assiettes : le volume d'électricité transporté et la puissance de l'installation. Un développement important de l'autoconsommation, donc des volumes acheminés par le distributeur, entraînerait une baisse de ses revenus. Un tarif TURPE autoconsommation donnant à la puissance souscrite une part plus importante qu'aux électrons transportés, en discussion avec la Commission de régulation de l'énergie, semble aujourd'hui dans l'impasse.

L'entreprise est en désaccord avec le niveau du tarif de distribution d'électricité fixé pour ces prochaines années par le régulateur ; tant sur le plan quantitatif (une hausse de 2,71% est prévue au 1er août avant de se caler sur l'inflation annuelle), qui d'après elle ne permet pas de financer les investissements rendus nécessaires par la transition énergétique, que sur sa structure, qui ne tient pas compte de la consommation stagnante et de l'autoproduction.

Certes, la CRE doit dans tous les cas couvrir les dépenses d'Enedis. Mais dans l'état actuel des choses, le développement de l'autoconsommation pourrait entraîner une augmentation globale du TURPE supportée par tous les consommateurs, et, surtout « cela envoie un mauvais signal prix au consommateur, souligne Jean-Baptiste Galland. Il faut absolument éviter le syndrome diesel. Après avoir incité les consommateurs à s'équiper de cette technologie à l'aide d'une fiscalité avantageuse, on les pénalise aujourd'hui au motif que le diesel pollue... »