Premier dérapage dans la facture et le calendrier de Hinkley Point C

Par Dominique Pialot  |   |  746  mots
EDF annonce un premier dérapage du projet Hinkley Point C non seulement en termes de coût mais également du calendrier. Sur ce site nucléaire britannique vieillissant, situé à environ 250 km à l'ouest de Londres près de la réserve naturelle de Bridgwater, l'énergéticien français doit construire deux EPR en collaboration avec le chinois CGN (China General Nuclear Corporation) qui fourniront 4.500 MWth soit environ 7% des besoins en électricité du Royaume-Uni.
EDF a annoncé ce 3 juillet une hausse de 18,1 à 19,6 milliards de livres sterling sur le devis de la centrale nucléaire qu’elle doit construire dans le sud-est de l’Angleterre en partenariat avec le chinois CGN. L’entreprise craint aussi un possible retard de 15 mois sur le premier réacteur EPR et de 9 mois sur le second EPR.

Les EPR donnent bien du fil à retordre à EDF. Il y a quelques jours, l'entreprise expliquait poursuivre ses recherches pour éviter de procéder au remplacement du couvercle de la cuve de la centrale nucléaire de Flamanville demandé par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) avant 2024. Ce lundi 3 juillet, moins d'un an après la signature fin septembre du contrat avec le gouvernement britannique et le chinois CGN (qui détient un tiers du projet), elle annonce une augmentation de 1,5 milliard de livres sterling de la facture du projet Hinkley Point C qui passe ainsi de 18,1 à 19,6 milliards de livres sterling 2015, soit 22,3 milliards d'euros.

Aucun lien de cause à effet entre les deux sujets, a affirmé dans un point téléphonique avec la presse Vincent de Rivaz, patron d'EDF Energy (la branche britannique de l'électricien) jusqu'à son départ en retraite le 30 octobre prochain. Le surcoût apparu à l'issue d'une revue de projet entamée au lendemain de la décision définitive d'investissement prise en septembre 2016, ainsi que les craintes de retards de respectivement 15 et 9 mois sur le premier et le second réacteurs, sont attribuables à d'autres causes. D'abord la remobilisation du chantier à la suite, précisément, de plusieurs reports de cette décision ; une meilleure appréhension des éléments de design détaillé, notamment une adaptation aux demandes du régulateur britannique, et des précisions concernant le volume et le séquencement des travaux sur site.

Toujours mobilisés sur l'objectif initial de 2025

Pour autant, le "premier jalon très important", à savoir la pose du premier béton, est confirmée pour mi-2019, si le design définitif, "dont le calendrier est tendu", est fixé comme prévu fin 2018, a précisé Vincent de Rivaz. "La revue de projet a conduit EDF à demander à la société de projet de rester mobilisée sur une ouverture fin, 2025, conformément à l'objectif initial", a-t-il ajouté. Le deuxième réacteur est prévu pour entrer en service six mois plus tard.

Même si le retard de 15 mois sur le premier réacteur se confirmait, EDF resterait largement en-deçà des dépassements prévus par le contrat qui lie l'ensemble des parties.

Sur le plan financier, le surcoût annoncé aujourd'hui fait passer le taux de rentabilité interne (TRI) de 9% à 8,5%. L'impact financier des éventuels retard se solderait par un coût supplémentaire de 0,7 milliard de livres sterling 2015
, ce qui amènerait le TRI du projet à 8,2%.

EDF, qui justifie son chiffrage en livres sterling 2015 malgré la tendance inflationniste observée en Angleterre depuis le Brexit et l'évolution du taux de change livre sterling-euro par des raisons de comparabilité avec les chiffres annoncés en 2015, a précisé maintenir ses objectifs financiers annoncés début mai.

Quel impact sur la crédibilité de la filière française à l'export ?

Interrogé sur l'impact négatif sur la crédibilité de la filière française à l'export que pourrait avoir cette découverte d'un surcoût après la décision définitive d'investissement et alors que Hinkley Point C ne sera pas le premier EPR construit par EDF, Vincent de Rivaz a répondu que la conduite de cette revue approfondie et sans précédent démontrait au contraire "un grand professionnalisme" et une "extrême volonté de transparence" quant à la nature des risques et à la mobilisation extrême de l'entreprise, sur ce qu'il faut faire pour maîtriser les coûts et le planning.

En Angleterre, où le contrôleur des comptes a estimé récemment que le prix garanti pour la construction de la centrale pourrait engendrer un surcoût de 30 milliards de livres sur la facture des consommateurs (34 milliards d'euros), une partie de la presse se montre de plus en plus sceptique sur le choix du gouvernement.

Estimant que "l'annonce d'EDF illustre plus généralement les risques que posent, pour EDF et son partenaire China General Nuclear Power Corporation (CGN, noté A3 avec perspective négative), la construction de la centrale et la nécessité d'assumer les conséquences financières d'une très longue phase de construction durant laquelle cet investissement ne génèrera pas de trésorerie", Paul Marty, analyste principal de Moody's, a déclaré :

"La révision à la hausse des coûts de construction de HPC et le risque de dérapage du calendrier relatif au démarrage de la construction ont une incidence négative sur le profil de crédit d'EDF."