Industrie : le solde commercial à son plus bas niveau historique

Par Grégoire Normand  |   |  1010  mots
Depuis 2003, le solde commercial français s’est nettement dégradé en raison notamment des produits manufacturés. (Crédits : Reuters/Pascal Rossignol)
Malgré une hausse de la production et de l'emploi, l'industrie a encore aggravé son déficit commercial de 7 milliards d'euros en 2017 en raison notamment d'une forte hausse des importations.

Le commerce extérieur français reste toujours à la peine. Selon une récente étude de la direction générale des entreprises (DGE), le solde des produits manufacturés a reculé encore de 7,1 milliards d'euros en 2017 pour atteindre un déficit cumulé de 51 milliards d'euros, un record depuis le début des années 2000. En dépit d'une conjoncture bien plus favorable et d'un taux de croissance exceptionnel de 2,3% en 2017, l'industrie française continue de connaître d'amples difficultés malgré les différents plans d'aide au secteur imaginé par tous les gouvernements successifs ces dernières décennies. Les différentes politiques économiques censées soutenir le secteur semblent obtenir bien peu de résultats favorables au regard des efforts consentis et des sommes investies.

Une accélération des importations

Les auteurs de l'étude expliquent que cette dégradation repose avant tout sur une accélération des importations (+5,8% en valeur après 1,4% en 2016). Cette hausse n'a pas été compensée par un rebond suffisant des exportations (+4,7% après -0,2% en 2017). Encore en excédent en 2004, le solde n'a cessé de se dégrader jusqu'en 2011, où il s'est établi à -46,8 milliards d'euros. Le solde s'est par la suite nettement amélioré en 2012 (hausse de 9,4 milliards d'euros), avant de se stabiliser jusqu'en 2015. Entre 2015 et 2017, l'écart entre les importations et les exportations n'a cessé de s'amplifier.

Malgré ce creusement du déficit, les échanges de produits manufacturés ont tendance à croître ces dernières années dans le contexte d'une accélération du commerce mondial de marchandises (4,7% en volume après 1,8% en 2016), ce qui correspond à la plus forte hausse depuis 2011.

"Cette accélération du commerce mondial a notamment été portée par la croissance de l'investissement et le dynamisme des activités d'assemblage. Elle a concerné l'ensemble des continents, comme l'Asie (+ 8,2%, après  2,9% en 2016), l'Amérique du Nord (+ 4,1%, après + 0,4% en 2016) et l'Europe (+ 3,0%, après + 2,1% en 2016)" rappelle l'étude.

Dans sa note de conjoncture de juin dernier, l'Insee rappelait que le solde manufacturier s'est aussi bien dégradé pendant les récessions ou ralentissements économiques que durant les phases d'expansion. Pour expliquer ce creusement exceptionnel de 2017, l'institut de statistiques publiques indique que :

"Les approvisionnements exceptionnels de certaines branches manufacturières tout au long de l'année 2017 ont pesé sur le solde manufacturier en 2017. Ainsi, en 2017, malgré l'envolée des exportations manufacturières par rapport à 2016 (+5,0% après +1,9%), la vive croissance de la demande intérieure de la France a empêché une réduction de son déficit commercial manufacturier."

Dégradation du solde avec l'Union européenne

Le solde de la France s'est particulièrement dégradé avec les pays de l'Union européenne. Cette détérioration des échanges extérieurs est particulièrement visible avec l'Allemagne (baisse de 3 milliards d'euros du solde à - 17 milliards d'euros). Les mauvaises performances commerciales ont particulièrement été marquées avec le Royaume-Uni dans le contexte du Brexit. La dépréciation de la livre Sterling, le ralentissement de la demande intérieure et les incertitudes relatives aux négociations entre l'UE et le royaume ont contribué à diminuer les performances des entreprises françaises. La crise politique qui mine actuellement le gouvernement britannique pourrait encore aggraver les relations commerciales entre les deux pays.

Hausse de la production

Malgré ces mauvais résultats dans les échanges, l'industrie manufacturière a connu une hausse de sa production manufacturière entre 2016 et 2017 de 2,8% (contre 0,3% l'année précédente et 1,4% en 2015). Une première depuis la phase de croissance du milieu des années 2000 (+1,2% entre 2003 et 2007). L'année dernière, le niveau de la production manufacturière française se situait 8,4% au-dessus de son niveau de 2009, mais 9,7% en deçà de celui de 2007. Le secteur de l'industrie a été particulièrement frappé par la crise économique et financière de 2008/2009, et n'a que partiellement rebondi en 2010 et 2011. La crise des dettes souveraines en zone euro a fini par plonger l'industrie manufacturière dans de graves difficultés pour plusieurs années.

Depuis le troisième trimestre 2016, l'activité manufacturière a retrouvé des couleurs. Tirée par une demande intérieure en produits manufacturés, l'activité industrielle a vu son activité croître régulièrement depuis, soutenue par "une augmentation de la demande de consommations intermédiaires adressée par l'ensemble des entreprises et les administrations publiques (+ 3,2%, après + 2,8% en 2016.)"

Une amélioration de la compétitivité-prix

La hausse de la production s'est accompagnée d'une amélioration de la compétitivité-prix de l'industrie manufacturière. La hausse des prix à la production en 2017 (2,2%) a été moins élevée que dans la zone euro (+2,7%) malgré la remontée des prix du pétrole et des taux de change parfois défavorables.

Sur le front de l'emploi, les effectifs salariés intérimaires ont augmenté pour la quatrième année consécutive en 2017 (+13,8%, soit 34.800). Cette évolution de l'emploi salarié intérimaire a entraîné le premier rebond de l'emploi salarié dans l'industrie manufacturière depuis 2001 mais cette embellie est loin d'être idyllique pour le tissu industriel français.

Une désindustrialisation en marche

En dépit de quelques indicateurs favorables, le poids de l'industrie dans l'économie française ne cesse de se dégrader depuis des années. Et malgré le plan de soutien du gouvernement français prévu pour ce secteur et une embellie de l'activité économique  l'année dernière, il semble que le processus de décomposition du tissu industriel soit inéluctable. Les derniers chiffres du ministère de l'Économie indiquent qu'entre 2000 et 2016, le poids de l'industrie dans l'économie française est passé de 16,5% à 12,5% du produit intérieur brut.

Du côté de l'industrie manufacturière, l'évolution est quasi similaire à celle de l'industrie en général. Dans une perspective historique plus large, les données de la Banque mondiale illustrent parfaitement la perte de vitesse de l'industrie dans la valeur ajoutée française depuis plusieurs décennies.

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