Philippine, 17 ans, représentera la France au G20 des entrepreneurs à Pékin

Par Sarah Belhadi  |   |  1058  mots
Philippine Dolbeau a déjà équipé quatre classes de petits boîtiers connectés New School dans des établissements scolaires des Yvelines.
Philippine Dolbeau, élève en terminale littéraire, fait partie de la délégation française du G20 des entrepreneurs, le YEA ("Young Entrepreneurs's Alliance"), qui se réunira à Pékin du 8 au 10 septembre, en marge du G20 des chefs d'Etat. Il y a deux ans, elle a créé New School, un cahier d'appel électronique qui permet aux enseignants de faire automatiquement l’appel à chaque début de cours. Entretien.

LA TRIBUNE : Pour ce 8e sommet international, 400 jeunes entrepreneurs, dont 32 Français, représentatifs de l'écosystème entrepreneurial, vont plancher sur les recommandations à remettre aux chefs d'Etat des vingt puissances mondiales.  A Pékin, vous serez la plus jeune entrepreneure de toutes les délégations confondues. Quel est le message que vous souhaiteriez faire passer ?

PHILIPPINE DOLBEAU : Changer les mentalités ! Ma mère a vécu la moitié de sa vie en Angleterre, mon père en France. J'ai eu la chance, de par mon éducation, d'observer deux mentalités différentes. Outre-Manche, on vous pousse dès votre plus jeune âge à faire plein de choses. L'important, c'est d'essayer. En France, le discours est très différent, on vous dit sans cesse "attention, c'est risqué", ou "passe ton bac d'abord". C'est exactement ce que j'ai entendu quand j'ai démarré mon projet. La France accuse un vrai retard à ce niveau là. Pour ma part, ce sont des créateurs d'entreprise eux-mêmes, qui, au regard de mon jeune âge, ont émis quelques doutes.

A ma connaissance, aucune autre délégation du G20 des entrepreneurs ne compte dans ses rangs une aussi jeune entrepreneuse. De plus, il est encore très rare qu'une fille -de surcroît en filière littéraire au lycée- monte sa boîte. En toute modestie, je suis la preuve que à 16 ans, on peut avoir des projets et les mener à bien.

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D'après vous l'entrepreneuriat est-il la solution au chômage des jeunes ?

Bien entendu, ce n'est pas l'unique réponse. Mais c'est une des options possibles. De mon côté, je suis consciente que grâce à New School, je n'aurais pas trop de difficultés à trouver un emploi plus tard. C'est un atout incroyable sur un CV. Mais il faut aussi prendre en compte le fait que chacun est différent. Il serait illusoire de penser que tout le monde peut monter sa boîte. Il est nécessaire d'en avoir envie, et cela demande une certaine rigueur et organisation.

Alors que New School n'était encore qu'un projet, vous avez été approchée par Apple. C'est assez révélateur d'une société qui peine à garder ses talents sur son territoire. Selon vous, comment peut-on éviter la fuite des talents français ?

Quand Apple m'a contactée, j'ai surtout eu peur qu'ils me volent l'idée. En mai 2015, alors que je participais à un concours (NDLR : de jeune entrepreneur de moins de 15 ans), il semblerait que quelqu'un du public, travaillant visiblement chez Apple m'ait remarquée. Deux mois plus tard, j'ai rencontré une équipe à Londres, puis j'ai finalement choisi de rester indépendante, et de me concentrer sur le développement de New School en France.

Mais je crois que cette fuite des talents est surtout due à un manque de communication et de valorisation. Il faudrait mettre davantage en avant les réussites françaises, à l'instar de Blablacar, pour ne citer qu'eux. Aujourd'hui, le plus grand problème commence dès l'école. Au collège et au lycée, on vous dit de faire un bac littéraire si vous souhaitez devenir écrivain, ES pour être économiste, et S pour être médecin. Personne ne vous explique que vous pouvez aussi devenir développeur, designer alors même que ces profils là sont ultra-recherchés dans les entreprises. Dès le plus jeune âge, les esprits sont déjà formatés. Spontanément, les enfants répondent qu'ils veulent être prof ou médecin, rarement qu'ils souhaitent monter leur boîte.

Les nouvelles plateformes de services comme Uber ou Airbnb ont, en quelques années seulement, transformé notre rapport aux services, et engendrent une mutation de l'économie (ce sujet fera d'ailleurs l'objet d'une étude présentée au G20 des entrepreneurs à Pékin). Faut-il s'en réjouir ou s'en inquiéter ?

Je pense que Uber ou Airbnb permettent une vraie simplification des services. Mais forcément, il existe des réserves, et ces plateformes suscitent la controverse. Les taxis sont montés au créneau, les professionnels de l'hôtellerie également. A mes yeux, c'est assez révélateur de la peur du changement qu'on peut avoir en France, soit parce que ces plateformes sont américaines, ou simplement parce qu'elles changent nos habitudes de vie. Après, je suis consciente des limites et des risques. L'exemple de la start-up belgeTake Eat Easy en est la preuve. La faillite de cette plateforme de livraison a laissé des centaines de personnes sur le carreau, sans indemnités puisque les coursiers étaient auto-entrepreneurs. Il est donc évident qu'il faut tenir compte du risque potentiel de dérive.

La délégation française du G20 des entrepreneurs demande depuis plusieurs années déjà à ce que la culture entrepreneuriale soit enseignée dès le plus jeune âge. Sans grand effet...

Elle reste absente des programmes scolaires. Il faudrait, dès l'école, parler aux élèves de l'entrepreneuriat, mettre en avant des histoires. Mais pas seulement les succès. Les jeunes doivent intégrer le fait que les géants, à l'instar de Steve Jobs, ont aussi connu des échecs avant de réussir. On pourrait également envisager d'inscrire des modules sur l'entrepreneuriat dans les programmes scolaires. Les cours sont encore très, voire trop théoriques.

Pour ma part, j'ai eu la chance en classe de seconde de bénéficier de l'initiative "ma mini-entreprise", proposée par l'association "Entreprendre pour Apprendre", dans le cadre des cours d'économie. Le projet New School est né dans ce cadre !  Mais les initiatives en ce sens sont encore trop rares en milieu scolaire.

Que ce soit par auto-censure ou manque de réseau, les femmes sont toujours moins nombreuses que les hommes à créer leur entreprise. Quelles sont les solutions possibles selon vous ?

Là aussi, je crois que l'évolution des mentalités passe par des campagnes de communication. Il faut mettre en avant des femmes entrepreneurs françaises. Je suis persuadée que cela pourrait encourager les jeunes, dès l'école, à avoir envie de créer son propre business. C'est aussi avec ce type d'initiatives qu'on parviendra, à l'avenir, à éviter les préjugés ...qui naissent dès le plus jeune âge.