La France a-t-elle suivi les recommandations du "G20 des entrepreneurs" ?

Culture entrepreneuriale, visa entrepreneur, cadre juridique simplifié... Quatre ans après le premier "G20 des jeunes entrepreneurs" (le YEA), à Nice, en marge du G20 officiel, quelles sont les avancées ? Les gouvernements ont-ils tenu compte des recommandations de cette jeune garde ? Voici donc un petit bilan, à la veille du vrai G20, qui se tiendra les 15 et 16 novembre en Turquie.
Sarah Belhadi
Dans leur communiqué publié en septembre, le G20 YEA demande à ce que la "culture entrepreneuriale" soit transmise le plus tôt possible, puis tout au long des études, notamment via la généralisation de l'apprentissage, car elle est l'une des clés pour combattre le chômage des jeunes.

Les chefs d'Etats et de gouvernements des plus grandes puissances économiques de la planète vont se réunir à Antalya, en Turquie, pour la tenue du G20, les 15 et 16 novembre. Au menu : croissance mondiale, lutte contre l'évasion fiscale, crise des réfugiés. Mais le communiqué final mentionnera aussi, très certainement, des recommandations visant à favoriser l'entrepreneuriat dans les pays du G20.

Derrière ces quelques lignes en faveur de l'entrepreneuriat, se cache l'influence d'un réseau créé en 2011. L'histoire du "G20 YEA" (Young Entrepreneurs's Alliance) débute il y a cinq ans, en juin 2010, à l'initiative de la France, du Canada, de la Chine et de la Russie.

En France, Christine Lagarde, alors ministre de l'Economie encourage le projet. "Il faut que la voix des entrepreneurs soit entendue", insiste-t-elle auprès de Grégoire Sentilhes, président de la société Next Stage et co-fondateur de Citizen Entrepreneurs, l'association à l'origine du projet.

"A ce moment là, nous avons compris que, pour sortir de la crise, il fallait remettre l'entrepreneur au cœur du modèle social, économique et culturel", explique-t-il.

Ce retour en force doit toutefois être assorti "des bonnes pratiques", précise Jean-François Royer du cabinet EY, dont les études viennent régulièrement appuyer les revendications du YEA.

Quelque 200 "best practices", mises en place par les gouvernements et par le secteur privé sont alors identifiées, par le G20 YEA. Mais, depuis le sommet de 2011, y a-t-il eu des avancées concrètes ? La France a-t-elle suivi leurs recommandations ?

La (re) découverte de l'entrepreneur : en marche

La première avancée est d'abord culturelle. Car, en quelques années, les entrepreneurs reconnaissent que la perception du monde entrepreneurial en France a beaucoup évolué.  "Désormais, il n'y a pas un homme politique qui vous dira que les entrepreneurs ne sont pas importants. Mais pour l'instant, cette reconnaissance se limite au discours. C'est encore insuffisant, analyse Grégoire Sentilhes, mais "cela progresse". Au niveau international, il revendique également la capacité du G20 YEA "à influencer les décisions".

Il y a encore dix ans, le mot "entrepreneur" était complètement ignoré. Il faut attendre 2007 pour que la première chaire dédiée à l'entrepreneuriat soit créée à l'ESCP-Europe. Si cette culture est désormais bien implantée dans les écoles de commerce françaises, elle reste absente des programmes scolaires au primaire et au secondaire. Dès 2011, le communiqué final du G20 des entrepreneurs plaide pour la mise en place "dans l'éducation nationale de programmes qui valorisent et enseignent l'entrepreneuriat de l'école primaire a l'université". Certes, quelques initiatives émergent comme "ma mini-entreprise" en classe de 3ème qui permet aux élèves de porter un projet. Elles sont toutefois encore marginales. Pourtant, Grégoire Sentilhes est persuadé qu'"il y a une corrélation entre la performance économique et le taux de culture entrepreneuriale".

L'apprentissage doit toutefois se poursuivre dans la vie active, porté par des intiatives dans la sphère de l'entreprise. Ainsi, dès 2011, la promotion du mentorat faisait partie des mesures phares défendues. Le G20 YEA demande alors à ce que les "entrepreneurs soient soutenus par des écosystèmes fertiles". Quatre ans plus tard, cet accompagnement n'est pas généralisé, mais de plus en plus répandu dans le monde de l'entreprise, assurent Grégoire Sentilhes et Jean-François Royer.

Le visa entrepreneur, à l'étude

Le G20 plaide aussi pour la mobilité. En septembre, les 400 entrepreneurs (dont 35 Français) des 20 puissances de la planète ont de nouveau, comme en 2014, appeler les gouvernements à mettre en place un visa international pour encourager la mobilité. La mesure "a des chances de figurer dans le communiqué final", analyse Jean-Louis Grégoire, le directeur général de l'association Citizen Entrepreneurs.

Certains pays ont déjà franchi le cap, à l'instar de la Grande-Bretagne qui a mis en place un visa entrepreneur en 2013 pour attirer les talents étrangers. Mais en France, le projet est toujours a l'étude, dit-on. "Si la France veut devenir une terre d'entrepreneurs et attirer les meilleurs, il faut mettre en place ce visa", insiste Jean-François Royer.

Un cadre simplifié : en attente

En septembre, la délégation française au G20 des entrepreneurs a plaidé pour un vrai choc de simplification afin d'encourager la création d'entreprise. "Le choc de simplification engagé par le gouvernement est une bonne idée, mais concrètement on ne voit toujours pas ce qui a été simplifié", déplore Jean-François Royer qui milite pour un allègement du code du travail. Dans "un pays qui surlégifère", l'associé du cabinet de conseil EY estime que "cette instabilité est extrêmement génante" et qu'elle engendre "un problème de confiance".

Si cette revendication est restée lettre morte, il est intéressant de noter que le communiqué de 2012 (G20 à Mexico) plaidait déjà pour la mise en place de procédures simplifiées pour les PME dans le cadre d'appel d'offres par exemple, ou au renforcement de "la stabilité du cadre législatif et juridique dont les entrepreneurs ont besoin".

Le numérique pour doper la croissance : en marche

Ces ambassadeurs de l'entrepreneuriat se félicitent toutefois de certaines avancées, preuve qu'une révolution culturelle est en marche. " On peut noter la mise en place du crédit d'impôt, la création de la Banque publique d'investissement (BPI) fin 2012, du label "French Tech" (nldr : qui vise à promouvoir les entrepreneurs français à l'étranger), note Jean-François Royer. Ils peuvent aussi se satisfaire de Noé, la loi "Macron 2" consacrée au numérique, qui se donne pour mission de capter "les nouvelles opportunités économiques".

Depuis le sommet de Saint-Pétersbourg en 2013, les entrepreneurs plaident pour le développement des infrastructures numériques, "fondements de l'innovation et la base d'une croissance future".

"Le G20 est un accélérateur", il faut "maintenant mettre en place des réformes", assure Jean-François Royer. "Notre travail ne se résume pas à figurer dans le communiqué final publié par les pays du G20. Ce qui compte, ce sont les résultats", martèle Grégoire Sentilhes.

Sarah Belhadi

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