Agriculture : les prix planchers sont « un frein dans la compétitivité européenne » pour le patron d'Intermarché

Par latribune.fr  |   |  896  mots
Les prix planchers seraient des seuils au-dessous desquels les transformateurs ne pourront pas acheter aux producteurs leurs aliments, mais aussi desquels les distributeurs ne pourront pas proposer à la vente. (Crédits : Regis Duvignau)
L’idée d’instaurer des prix planchers pour mieux rémunérer les agriculteurs français, comme proposée par Emmanuel Macron, sera « un frein dans la compétitivité européenne », a estimé ce mardi le patron des Mousquetaires/Intermarché. Thierry Cotillard s'est par ailleurs dit « surpris » par cette annonce du chef de l’État, qui n’avait, de ses dires, pas été évoquée précédemment avec les autres ministres.

La promesse d'Emmanuel Macron de mettre en place des « prix plancher » pour protéger les revenus des agriculteurs continue de faire débat. Pour rappel, le chef de l'État l'a formulée samedi dernier au début de sa visite mouvementée du Salon de l'agriculture. Il s'agirait de seuils au-dessous desquels les transformateurs ne pourront pas acheter aux producteurs leurs aliments, mais aussi desquels les distributeurs ne pourront pas proposer à la vente.

Le président du groupement Les Mousquetaires/Intermarché a réagi à cette annonce du président français, ce mardi 27 février. « On a été un peu surpris », a indiqué Thierry Cotillard au micro de France Inter. « La notion de prix plancher n'avait pas été évoquée avec les autres ministres, ni Gabriel Attal, ni le ministre de l'Agriculture », a-t-il assuré.

Frein à la compétitivité

Au-delà de la surprise, c'est le contenu même de la mesure qui ne convainc pas le patron de l'enseigne numéro 2 du secteur de la distribution en France.

« Je pense que cela va être un frein dans une compétitivité européenne où on est aussi très heureux d'exporter, mais je laisse les responsables agricoles s'exprimer sur le sujet », a estimé Thierry Cotillard.

Pour lui, « avant de mettre d'accord l'ensemble des acteurs européens sur ce sujet-là il va se passer quelque temps, voire quelques années et (...) les agriculteurs ne peuvent plus attendre ». Il est donc favorable à la mise en place de « décisions concrètes, immédiates » et à « une loi Egalim qui aille plus loin sur la directivité et la transparence ».

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Thierry Cotillard n'est pas le seul à s'être exprimé sur cette mesure. Le chef de la FNSEA, premier syndicat agricole, Arnaud Rousseau, fait partie des sceptiques. Tout comme Bruno Dufayet, l'ex-président de la fédération nationale bovine, association spécialisée de la FNSEA. Pour Thierry Roquefeuil, le président de la fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), le prix plancher « n'est pas une réponse » mais « plutôt un problème ». « Il y a le risque qu'[il] devienne un prix plafond (...) c'est complètement à l'encontre de ce qu'on a bâti jusqu'à maintenant », a-t-il indiqué ce mardi.

D'autres acteurs ont par contre salué la mesure, à l'instar de la Confédération paysanne, classée à gauche, estimant qu'elle s'apparente à sa revendication d'un prix minimum garanti. Tout en restant « ultra vigilante » sur la manière dont elle sera mise en place. Idem pour Véronique Le Floc'h, la présidente de la Coordination rurale, deuxième syndicat derrière l'alliance FNSEA/Jeunes agriculteurs, qui s'est dite « pour le principe des prix planchers ». « Mais on attend de voir », a-t-elle précisé.

Des centrales d'achat européennes indispensables

Le président des Mousquetaires/Intermarché s'est aussi exprimé ce mardi sur le sujet des centrales d'achat européennes. Via ces structures, les distributeurs européens tentent de bénéficier d'un meilleur rapport de forces face à leurs puissants fournisseurs pour obtenir de meilleures conditions d'achat sur les produits. Mais elles sont critiquées en France, aussi bien par le gouvernement que les industriels et syndicats agricoles qui les accusent de « concurrence déloyale ».

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Thierry Cotillard a précisé que son groupement « achète tout en France » pour l'instant, mais qu'il devra aussi à l'avenir s'engager dans une telle structure.

« Si on a la confirmation que c'est bien légal - et la lecture qu'on en a c'est que c'est légal - on devra y aller sinon il y aura trop d'écart de prix avec nos concurrents », a-t-il dit.

D'autant plus que les autres grands distributeurs français disposent de la leur : Eurelec pour E.Leclerc avec l'allemand Rewe, Eureca pour Carrefour ou encore Everest que Système U a rejoint récemment. Ces centrales européennes « sont utiles pour peser sur l'inflation », a ajouté Thierry Cotillard.

Pour que toutes les parties soient gagnantes, le patron des Mousquetaires/Intermarché a proposé « une charte » avec les cinq dirigeants de la grande distribution. L'idée est d'« exclure de la centrale européenne tous les dossiers qui auraient une composante importante en produits agricoles ». « Il y a 10% des dossiers qui doivent quitter les centrales européennes pour protéger les revenus des agriculteurs », selon Thierry Cotillard.

Pas de suppression d'emplois dans les magasins Casino

Thierry Cotillard s'est voulu rassurant auprès des salariés des supermarchés et hypermarchés Casino qui vont être repris par Intermarché. Il n'est « pas prévu de réduire les effectifs », a-t-il indiqué ce mardi. Et d'ajouter : « Les acquis sociaux et les salaires sont bien maintenus pendant 15 mois et après il appartiendra à chaque gérant de mettre sa politique managériale en place ».

Le tribunal de commerce de Paris a validé ce lundi le plan de sauvegarde du distributeur Casino, qui prévoit notamment la cession de 288 magasins de grande taille, supermarchés et hypermarchés à Intermarché mais aussi à Auchan et Carrefour. Une décision qui ouvre désormais la voie à la prise de contrôle du distributeur par les milliardaires Daniel Kretinsky et Marc Ladreit de Lacharrière, adossés au fonds d'investissement Attestor, à horizon mars/avril.

(Avec AFP)