Air France, les positions de la direction et du SNPL aux antipodes

La direction est contre la création d'un groupe unique de pilotes au sein du groupe comme le demande le syndicat de pilotes. Elle ne veut pas importer les coûts d'Air France chez sa filiale low cost. Le SNPL réfute la question des coûts.
Fabrice Gliszczynski

Eric Schramm, directeur général adjoint des opérations aériennes chez Air France, également commandant de bord B777, a beau espérer éviter la grève en discutant s'il le faut 24h sur 24h avec les pilotes, la levée du préavis de cinq jours de grève en septembre déposé ce jeudi par le syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) d'Air France s'annonce difficile.

Les positions de la direction et du syndicat sont en effet aux antipodes. En particulier pour ce qui concerne la filiale à bas coûts Transavia et, plus précisément sur les conditions de travail et de rémunération en vigueur dans cette compagnie différentes de celles d'Air France.

Groupe unique de pilotes

Le SNPL est hostile à l'idée que les pilotes d'Air France aillent travailler chez Transavia aux conditions de travail et de rémunération de cette dernière. Il prône au contraire la mise en place d'un groupe unique de pilotes pour les avions de plus de 100 places, sous contrat Air France, qui permettrait à chaque pilote de passer facilement d'une compagnie du groupe à un autre.

"Ce modèle d'exploitation assure une grande flexibilité et une grande agilité", explique le président du SNPL Air France, Jean-Louis Barber.  "Si c'est pour faire du Easyjet light, on va se planter car ils maîtrisent cela depuis 15 ans. Nous devons jouer une autre carte, celle de la flexibilité".

La direction n'est pas sur la même longueur d'ondes. La compagnie a bien l'intention de développer Transavia sans la polluer des coûts d'Air France. Autrement dit, ses conditions de rémunération et d'utilisation des appareils doivent rester propres à cette compagnie.

"Pour développer une compagnie à bas coûts, il faut des conditions de rémunération et d'utilisation adaptées. Le développement de Transavia nécessite de développer une low cost avec les moyens d'une low cost. Nous devons maintenir les coûts de Transavia. Aujourd'hui les coûts au siège kilomètre offert de Transavia sont proches de ceux d'Easyjet. Il faut maintenir cette situation. Si au contraire elle se détériore, Transavia n'aura pas sa place au sein des low cost européennes", a déclaré Eric Schramm. Et d'ajouter : "il faut absolument qu'Air France puisse se développer sur le marché du low cost".

L'exemple d'Air Charter

Pour la direction, ne pas mettre en place une "étanchéité" entre les compagnies constitue en effet "un risque qu'Air France ne prendra pas". "Nous avons vécu certaines expériences de ce type dans le passé, comme Air Charter (fin des années 90, ndlr), qui n'ont pas été concluantes", a précisé Eric Schramm.

Même si ce dernier estime que la mise en place d'une liste de séniorité unique est intéressante puisqu'elle permettrait de créer des passerelles entre les compagnies, "elle doit s'accompagner de conditions propres à chaque compagnie".

 Le SNPL estime au contraire qu'une étanchéité entre chaque compagnie est dangereuse car elle engendre la mise en place d'accords de périmètre complexes entre chaque compagnie. "S'il y a deux groupes de pilotes, ce sera le pugilat, et cela mettra en danger le hub", explique un pilote.

Coûts

Pour justifier sa position, la direction pointe la différence entre les coûts des pilotes d'Air France et ceux de Transavia. Selon des sources internes proches de la direction, le coût à l'heure de vol des pilotes d'Air France serait 70% plus élevé que celui de ses collègues de Transavia. En tenant compte de la structure en hub du réseau d'Air France qui engendre une perte de productivité, de l'ancienneté de Transavia, forcément plus faible puisque la compagnie n'a que sept ans, l'écart serait de 40%. "Il est principalement dû  à la différence du système de rémunération, aux écarts de prestations sociales (mutuelle, retraites complémentaires, CE...) et aux coûts de structure et de formation...", affirme-t-on du côté de la direction. Pour autant, en raison de l'accord actuel sur les règles d'utilisation des avions, les coûts de Transavia seront plus importants si la compagnie effectue demain des vols de plus courte durée. Pour développer Transavia, "deux ou trois points devront évoluer", admet-on à la direction.

Sans confirmer les chiffres de la direction, le SNPL reconnaît des coûts plus élevés, mais en retirant les facteurs qui ne sont pas imputables aux pilotes, le syndicat assure que le salaire à l'heure de vol des pilotes d'Air France n'est pas en décalage. "Un pilote de Transavia a un niveau de rémunération comparable à celui d'un pilote d'Air France", a déclaré Jean-Louis Barber. Ce que réfute un autre membre de la direction. "Pourquoi le SNPL a donc négocié (en 2012, ndlr) une prime pour le détachement des pilotes d'Air France chez Transavia au prétexte, notamment, qu'ils perdaient en rémunération ?". En 2012, cette prime allait de 55.000 euros pour un co-pilote à 100.000 euros pour un commandant de bord au top de l'ancienneté. Si cette prime d'incitation correspondait à la moitié des économies réalisées par Air France pendant trois ans (durée de la période de détachement), "cela permettra de compenser la moindre rémunération chez Transavia", expliquait alors à La Tribune un pilote.

Sept avions de plus pour Transavia

Un dialogue de sourds. Si la direction veut développer Transavia, elle doit trouver un accord avec les pilotes. Signé en 2006, l'accord actuel limite Transavia à 14 appareils. En début d'année, un accord temporaire d'un an a été signé. Il permet à la compagnie de dépasser ce seuil en utilisant des A320 d'Air France avec des équipages Air France, aux conditions de travail et de rémunération de Transavia. Ce qui a permis à la compagnie d'exploiter cet été une vingtaine d'appareils. Pour l'été 2015, Air France compte ajouter 5 nouveaux appareils. La compagnie a acheté sept B737-800, cinq pour augmenter la voilure et deux pour remplacer 2 A320 en sortie de flotte. "Si nous n'avons d'accord, on restera à 14 avions. Nous n'allons pas développer Transavia pour la mettre dans le mur dans deux ans. Mais il y aura une incompatibilité avec le volume d'activité moyen-courrier", fait valoir un dirigeant.

Outre le maintien de l'emploi, le développement de Transavia est néanmoins intéressant pour les pilotes car il permet aussi aux copilotes d'Air France sur long-courrier de passer plus rapidement commandant de bord en allant voler chez Transavia, quitte à revenir ensuite chez Air France.

Regroupement d'une partie d'Air France avec Hop

 Au-delà du développement de Transavia sur le trafic loisirs (et visit friends and relatives, ou VFR) au départ d'Orly et de grands aéroports de province, Air France veut regrouper les activités de point-à-point d'Air France et de Hop, lesquelles visent la même clientèle (affaires, VFR). Le PDG de Hop, Lionel Guérin a été nommé pour mettre en place cette nouvelle entité qu'il dirigera. Le rapport d'experts qu'il présidait préconisait notamment une marque commune. La marque Hop avait la préférence des experts. Cette entité pourrait compter près de 120 avions. « On ne peut pas laisser tomber la province comme British Airways l'a fait il y a quelques années », explique un dirigeant. Notre part de marché dépasse les 70% et le point-à-point alimente le hub de Roissy. Il faut continuer de travailler sur le point-à-point ». En deux ans la perte du point-à-point Air France aurai été réduite de moitié. Et le plan de départs volontaires va baisser la masse salariale de certaines escales.

La marque Air France est en revanche appelée à être conservée sur les vols d'alimentation du hub de Roissy.

Fabrice Gliszczynski

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 27
à écrit le 01/09/2014 à 13:08
Signaler
Pilote = fainéants trop payés ?? A tous ceux qui déversent leur haine des pilotes, pourquoi n'avez vous pas fait pilotes ?? Et vos enfants ??? Il est dans la nature humaine de médire sur ceux qui vous font envie, la preuve par tous les commentaires...

à écrit le 30/08/2014 à 21:55
Signaler
Le cocher de fiacre qui est aux commandes en place de droite les bras croisés a probablement une trop petite cervelle pour comprendre que s'il n'accepte pas les changements prévus par la direction AIR FRANCE va suivre la route d'ALITALIA ! réfléchiss...

à écrit le 29/08/2014 à 18:48
Signaler
Votre titre est plein de bon sens ... D'un côté ceux qui veulent la voir perdurer, d'un autre, ceux qui veulent la faire couler ... Malheureusement, le syndicaliste étant simple d'esprit, ce dernier ne voudra en aucun cas faire perdurer sa société, i...

à écrit le 29/08/2014 à 17:24
Signaler
Les pilotes Air France son toujours nostalgique de l'entreprise publique comme à la sncf ratp edf... Ils finiront par couler leur boite. Un bien plus qu'un mal pour la société civile française du secteur marchand...

le 30/08/2014 à 7:46
Signaler
Attention, il n'y a pas uniquement l'aspect "personnel", mais aussi l'aspect client, ou plutôt, usagé. La notion de service public avait développé la notion de conscience professionnelle.

à écrit le 29/08/2014 à 16:01
Signaler
@bibi Votre temps s'est arrêté il y a une génération ? Air France est devenue une société de droit privé. Avec une participation de l'état français des plus minoritaire. Et le 18,5MMFRF de recapitalisation ont été (largement) couverts par les partici...

à écrit le 29/08/2014 à 12:22
Signaler
Air France aurait du changer son patronyme pour Air Pol (Air Polémique), ce serait plus adapté au historique de la compagnie.

à écrit le 29/08/2014 à 11:53
Signaler
Prime de transfert vers Transavia: "En 2012, cette prime allait de 55.000 euros pour un co-pilote à 100.000 euros pour un commandant de bord au top de l'ancienneté" FAUX!! Cette annonce de 2012 dans les journaux, purement politique pour exciter le...

le 29/08/2014 à 20:47
Signaler
Pouvez-vous étayer vos dires? Ou doit on vous croire sur paroles?

le 29/08/2014 à 20:47
Signaler
Pouvez-vous étayer vos dires? Ou doit on vous croire sur paroles?

le 30/08/2014 à 11:02
Signaler
il y a un article de 2012 en lien dans cet article, il cite un document du SNPL de l'époque...

à écrit le 29/08/2014 à 10:43
Signaler
Si les conditions de syndicat des pilotes sont acceptées, c'en est fait de la compagnie TRANSAVIA qui sera aussi rentable que la défunte AIR INTER.

à écrit le 29/08/2014 à 10:27
Signaler
Si les pilotes air France redescendaient un peu sur terre en acceptant de revoir leurs avantages faramineux Transavia pourrait se développer plus rapidement apporter plus d'activité au sein du groupe af et ainsi assurer une véritable pérennité à une...

à écrit le 29/08/2014 à 9:40
Signaler
Puisque le représentant du SNPL estime lui même que le salaire à l'heure de vol est comparable entre un pilote AF et son équivalent chez Transavia, un accord devrait être rapidement trouvé... un seul groupe de pilotes... aux conditions Transavia ! et...

à écrit le 29/08/2014 à 9:28
Signaler
j'ai pas fini de prendre Easyjet :-)

le 29/08/2014 à 10:30
Signaler
Et donc de cautionner des conditions de travail honteuse. Bravo. Je vous invite également à aller faire vos courses directement dans les swetshops d'Accra où un gamin de 8 ans vous confectionnera un joli costume. Ce gamin à tous compris il se fait pa...

le 29/08/2014 à 13:24
Signaler
oui moi aussi je boycotte air france, car on en a marre de gens mal polis et billets trop chers, c'est tout, et on continuera jusqu'à la fin.

le 29/08/2014 à 13:49
Signaler
Moi , qu'un salarié (en l'occurence un pilote de ligne) gagne 10000, 20000,ou 30000€ par mois, cela ne me gene pas du tout ,.à condition que son employeur puisse le faire compte tenu de sa rentabilité ; je dis bravo à lui , et je ne suis pas jaloux ....

le 29/08/2014 à 14:48
Signaler
Air France élue compagnie aérienne préférée des français aux Travellers'Choice Awards de TripAdvisor 2014 ! Des millions d'authentiques voyageurs ont pu voter et élire leur marque préférée parmi plus de 37 catégories et c'est Air France qui a rempor...

le 29/08/2014 à 14:52
Signaler
@bibi TES IMPOTS ? quel raccourcis !! quand on sait ce que rapporte le secteur aérien à l Etat en taxes et redevances!

le 29/08/2014 à 20:52
Signaler
Merci, il faut relativiser vos dires ... "Air France élue compagnie préférée des français !" des français ... tout est dit. Ce qui compte, c'est l'avis des pax de la compagnie et encore plus celui des pax étrangers. Bref ...

à écrit le 29/08/2014 à 8:47
Signaler
Air France a les reins solides et dispose d'appuis important parmi les ingénieurs généraux. Allez-y.

à écrit le 29/08/2014 à 8:38
Signaler
N'oubliez pas que la solution consiste à basculer la fiscalité du travail sur la fiscalité de l'énergie.(Qui a dit ça?)

le 29/08/2014 à 10:27
Signaler
Vous commencez à gonfler avec votre énergie ! Ca sert à quoi de le rabacher à longueur de journée dans les commentaires de La Tribune ? Engagez vous en politique si vous pensez avoir des solutions miracles.

le 29/08/2014 à 11:56
Signaler
Avec un peu de patience vous verrez que c'est peut-être une solution proposée par le nouveau gouvernement.

à écrit le 29/08/2014 à 8:35
Signaler
Air France va être le détonateur.

à écrit le 29/08/2014 à 8:33
Signaler
Ce problème de cout du travail concerne toutes les entreprises, mais Air France est en première ligne, ce qui nécessite une action plus générale sur la compétitivité des entreprises.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.