ADP : le contrat de régulation économique attaqué au Conseil d'Etat

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  693  mots
Au cours du premier semestre, ce contrat a fait l'objet d'un énorme bras de fer entre ADP et les compagnies aériennes, mais a suscité aussi un gros débat au sein du gouvernement entre le ministère de l'Economie et le secrétariat d'Etat aux Transports.
Le Scara, un syndicat professionnel de compagnies aériennes, demande au Conseil d'Etat d'invalider le contrat de régulation économique (CRE) entre l'Etat et ADP portant sur les années 2016-2020.

Grosse menace pour Aéroports de Paris (ADP). Le troisième contrat de régulation économique (CRE) entre ADP et l'Etat pour les cinq prochaines années est attaqué au Conseil d'Etat. Pour rappel, ce contrat signé cet été est fondamental pour le gestionnaire des aéroports de Roissy et d'Orly puisqu'il détermine l'évolution des redevances et le niveau d'investissements pour la période 2016-2020.

Le Scara, le Syndicat des compagnies aériennes autonomes (une organisation professionnelle qui regroupe Europe Airpost, Air Tahiti Ni, Air Corsica, entre autres) a déposé un recours au Conseil d'Etat le 28 septembre dernier en demandant purement et simplement l'invalidation du CRE.

Redevances: les compagnies aériennes réclamaient une baisse

Signé le 31 août, ce contrat de régulation économique gèle le niveau des redevances aéroportuaires prélevées par ADP aux compagnies aériennes en 2016 (hors inflation) mais autorise le gestionnaire des aéroports parisiens à les augmenter de 1,25% par an (hors inflation) pour les quatre années suivantes. Un niveau qui permettra de financer 3 milliards d'euros d'investissements sur le périmètre régulé.

Au cours du premier semestre, ce contrat a fait l'objet d'un énorme bras de fer entre ADP et les compagnies aériennes, lesquelles demandaient une baisse des redevances. Il a également suscité un débat au sein du gouvernement entre le ministère de l'Economie, favorable à Aéroports de Paris qui rapporte chaque année de gros dividendes à l'Etat (ce dernier détient plus de 50% du capital d'ADP) et le secrétariat d'Etat aux Transports, qui ne souhaitait pas augmenter les charges des compagnies aériennes françaises pour plupart en difficulté, notamment Air France.

Favorable à ADP, l'arbitrage de Matignon fin juillet suscite depuis la colère des syndicats et des salariés d'Air France au moment où la direction leur demande de nouveaux efforts. Augustin de Romanet, le Pdg d'Aéroports de Paris, indique qu'ADP ne doit pas être pris pour un "bouc émissaire".

L'indépendance de l'autorité de supervision remise en cause

Pour le Scara, le CRE est invalide en raison d'un premier recours gagné au printemps au Conseil d'Etat.

« L'autorité de supervision indépendante (ASI) doit règlementairement intervenir dans l'élaboration du CRE 3. Or, cette ASI a été invalidée par la Conseil d'Etat qui a donné au Premier ministre un délai maximum de huit mois pour en constituer une conformément au règlement européen en vigueur », explique à La Tribune Jean-François Dominiak, le vice-président du Scara.

Et en effet, fin avril, le Conseil d'Etat avait donné raison au Scara qui assurait que l'ASI n'était pas indépendante dans la mesure où elle était assurée par la Direction du transport aérien (DTA) laquelle fait partie de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC).

«Nous ne souhaitions pas faire exploser le système mais faire évoluer l'ASI vers un organe réellement indépendant. Nous n'avons pas été entendus. Le terrain judiciaire était notre dernier recours», assure Jean-François Dominiak.

Aéroports de Paris et le secrétariat d'Etat aux Transports n'ont pas souhaité faire de commentaires. La DGAC non plus. Interrogée sur ce point en juillet, elle indiquait que « le Conseil d'Etat avait demandé au Premier ministre de prendre avant fin 2015 des dispositions réglementaires pour apporter de nouvelles garanties d'indépendance, sans préciser lesquelles, et sans annuler la désignation de la DTA comme ASI ».

En juin, la Commission consultative préconisait une toute petite hausse

« Par ailleurs, fait valoir Jean-François Dominiak, pour que le CRE puisse être signé, il aurait non seulement fallu qu'une ASI se prononce, ou à défaut le Conseil d'Etat, mais qu'elle le fasse en se basant sur l'avis de la Commission consultative aéroportuaire».

Cet avis, rendu fin juin, avait certes validé les grandes lignes des propositions de CRE d'ADP (sur les investissements, les perspectives de trafic, la structure tarifaire...), il préconisait en revanche une très légère hausse des redevances de 0,3%, (hors inflation) voire une baisse allant de 0,1% à 0,7% si 50 à 75 millions d'euros des recettes commerciales d'ADP étaient reversées aux compagnies aériennes.