Air France, échec des négociations avec les pilotes (sans surprise)

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  770  mots
La dernière réunion de négociation avant le 30 septembre, la date-limite fixée par la direction pour trouver un accord, a échoué. Un conseil d'administration d'Air France-KLM se réunit ce jeudi. Il devrait approuver l'annonce le 5 octobre d'un plan d'attrition de l'activité qui entraînera des suppressions de postes massives.

Pas de surprise. Les négociations entre les syndicats de pilotes d'Air France et la direction sur des mesures de productivité pour les deux prochaines années ont échoué. Ce mercredi, lors de la dernière réunion de négociation avant le 30 septembre, la date-limite fixée par la direction pour trouver un accord, les deux parties sont reparties dos à dos.

 Lire ici : Air France, qu'espérer des négociations avec les pilotes? Rien

Comment pouvait-il en être autrement ? Comment signer un accord quand un sentiment  de défiance aussi fort anime chacune des deux parties, quand les égos et l'émotionnel priment sur l'intérêt collectif ? Comment signer un accord quand la nécessité de faire des efforts n'est pas partagée par tous en raison du retour aux bénéfices d'Air France en 2015 ? (le budget, qui est respecté, tablait en début d'année sur près  300 millions d'euros de résultat d'exploitation selon nos informations). Et par conséquence, comment trouver un accord quand on commence seulement à négocier le 18 septembre, avec une échéance -dont le caractère inflexible peut être contesté puisqu'elle a été avancée en juin-, prévue 12 jours plus tard ?

Baisser les coûts à l'heure de vol

Pour pouvoir combler une grande partie de son retard en termes de compétitivité par rapport à ses concurrents européens et atteindre des niveaux de rentabilité permettant à Air France de financer les investissements et de croître, Frédéric Gagey, le PDG d'Air France, veut baisser les coûts des pilotes de 17%. Pour atteindre cet objectif, la direction a présenté plusieurs mesures, notamment une hausse de la productivité des pilotes. L'idée est de les faire voler davantage à rémunération constante. La direction entend aussi modifier la composition équipages en réduisant le nombre de pilotes à bord des avions : passage de 4 à 3 pilotes sur les vols très long-courriers (à l'exception de Santiago du Chili, une route qui approche les 15 heures de vol) comme le fait Lufthansa, et de 3 à 2 sur des routes comme New Delhi ou Punta Cana.

S'ajoutaient aussi la réforme du système de réserve (quand les pilotes sont d'astreinte pour pallier une éventuelle défaillance), le retrait des activités sol (simulateurs par exemple) des activités créditées, la réduction du nombre de jour de vacances et de repos consécutifs...

Les propositions ont été rejetées par les syndicats. Ces derniers ont fait des contre-propositions, lesquelles restent très éloignées des objectifs de la direction. Selon nos informations, les mesures du SNPL déboucheraient sur 47 millions d'euros d'économies par an quand celles présentées par la direction s'élèvent à 170 millions. La direction veut en effet ramener la masse salariale des pilotes à 1 milliard d'euros par an contre 1,170 milliard.

Plan B d'attrition

Comme il était acquis depuis longtemps que les syndicats de personnels navigants commerciaux (PNC) ne signeraient pas un accord de révision anticipée de l'accord collectif qui régit leur conditions de travail et leur rémunération jusqu'à octobre 2016, la direction n'aura rien à présenter au conseil d'administration d'Air France-KLM, qui se réunit ce jeudi.

Les administrateurs prendront acte de l'échec et devraient donner le feu vert au plan B de la direction qu'ils avaient d'ailleurs validé fin juillet au cas où les négociations se solderaient par un échec. Présenté au comité central d'entreprise (CCE) le 4 septembre, ce plan devrait donc être annoncé aux représentants du personnel le lundi 5 octobre. Il prévoit la réduction de la capacité long-courrier de 10% sur deux ans avec des fermetures de lignes et la non-entrée des B787 dans la flotte.

Cette réduction de voilure doit s'accompagner d'un plan massif de suppressions de postes, composé de licenciements secs chez les pilotes, les hôtesses et stewards ainsi qu'au sein des personnels au sol dans les escales les moins compétitives comme Marseille. Certains syndicats craignent jusqu'à 8.000 suppressions de postes.

Un plan d'attrition auquel plusieurs syndicats ne croient pas, estimant que la direction bluffe. Cette dernière ne peut reculer, sauf à perdre toute crédibilité.

Pour autant, il reste un fossé entre l'annonce et la mise en œuvre qui, dans tous les cas, ne peut pas débuter avant fin décembre-début janvier en raison de toutes les phases de consultation du personnel prévues en cas de plan de sauvegarde pour l'emploi. Plusieurs syndicalistes espèrent que ce délai permettra aux différentes parties de se remettre autour de la table et de trouver une issue à ce blocage. D'autres en doutent.