Air France et ses pilotes : et maintenant, on fait quoi ?

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  924  mots
Lors d'un référendum organisé par le SNPL, les pilotes de la compagnie se sont prononcés favorablement à la finalisation du plan d'économies Transform mais pas aux conditions souhaitées par la direction. Cette dernière ne reconnaît ni la consultation ni son résultat. Le blocage persiste.

Les choses ne s'arrangent pas à Air France où le bras de fer entre la direction et les pilotes bloque toujours les projets de relance de la compagnie française par la voie négociée.

Alors qu'elle compte finaliser fin septembre les mesures d'économies pour les deux prochaines années (Plan Perform), la direction en est toujours à batailler avec le SNPL, le syndicat national des pilotes de ligne, pour que les pilotes finissent la copie du plan précédent, Transform 2015, lequel s'est terminé... fin décembre 2014. Un préalable nécessaire pour la direction et les autres catégories de personnel -qui ont fait les efforts sur lesquels ils s'étaient engagés- pour passer à l'étape d'après, Perform.

Une étape d'ailleurs déjà franchie par les salariés de KLM, la compagnie sœur d'Air France au sein du groupe Air France-KLM. Début juillet, la compagnie hollandaise a signé des accords de productivité avec toutes les catégories de personnel.

Référendum

Ce mardi, moins d'une semaine après l'assignation au fond du SNPL par la direction pour le pousser à solder Transform, le message des pilotes d'Air France a été clair et n'a pas permis d'avancer après 8 mois de discussions.

«Oui, nous voulons finir la copie, mais pas aux conditions de la direction », ont-ils indiqué ce mardi 18 août à l'issue de la consultation lancée fin juillet par le SNPL sur la nécessité ou pas de solder Transform.

A cette question, les 58% des pilotes qui ont voté se sont en effet prononcés favorablement à 74%. Mais sans surprise, ils ont aussi rejeté en masse trois éléments de la proposition de la direction que le SNPL avait soumis au vote : le GVT (la règle d'ajustement de la rémunération avec l'ancienneté et la technicité) avec l'amputation sur le 13ème mois (73% de voix contre), la majoration des heures de nuit et les compositions d'équipages (65% de non dans les deux cas).

Enfin, 83% des pilotes votants ont exprimé leur défiance vis-à-vis de Frédéric Gagey-Alexandre de Juniac, respectivement PDG d'Air France et d'Air France-KLM, pour mener à bien la stratégie de la compagnie.

Dialogue de sourds

Une victoire pour le bureau du SNPL, fortement contesté en interne ces dernières semaines sur son incapacité à négocier des accords alors que la compagnie est en grande difficulté. Le SNPL entend surfer sur le référendum pour renégocier les modalités du plan Transform, « pour que soit trouvé un accord acceptable qui permettra à l'entreprise d'avancer et de préparer sa reconquête industrielle ».

En face, la direction ne l'entend pas de cette oreille. Dans le droit fil de ce qu'elle avait indiqué début août, elle s'est empressée de rappeler qu'elle ne reconnaissait "ni la consultation ni son résultat" dans la mesure où le SNPL n'a pas soumis au vote l'ensemble de ses propositions mais seulement les points qui lui semblaient les plus importants.

«La consultation, telle qu'elle a été présentée, n'était pas conforme aux engagements pris lors des négociations et n'intégrait pas la totalité de l'accord », a déclaré la compagnie.

Début août, jugeant les conditions de la consultation « unfair », Air France avait retiré ses propositions.

Le dialogue de sourds continue également sur la forme. Pour le SNPL, « la balle est dans le camp de la direction », laquelle doit faire le premier pas pour reprendre les négociations. Pour un observateur favorable à la direction, le président du SNPL doit au contraire prendre rendez-vous avec le PDG d'Air France pour l'informer du résultat du vote.

Les négociations sur Perform menacées

Ce blocage menace les discussions du prochain plan d'économies Perform que la direction a prévu de boucler fin septembre avec toutes les catégories de personnel, sous peine de mettre en place un plan B, d'attrition de l'activité, synonyme de fermetures d'un grand nombre de lignes long-courriers et de suppressions de postes plus importantes que prévu.

Le calendrier souhaité par la direction est intenable. La direction va-t-elle le décaler en attendant la décision de justice concernant Transform prévue le 17 septembre ou en tentant une dernière négociation sur le sujet ? Ou va-t-elle réellement mettre en place ce fameux plan d'attrition, validé fin juillet en conseil d'administration, avec tous les remous sociaux et politiques à attendre ?

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[Encadré: ]

Pascal Perri, conseiller communication du SNPL Air France jusqu'à fin août

Pour l'anecdote, l'économiste Pascal Perri, qui avait accepté de conseiller le SNPL Air France sur sa communication, n'ira pas au-delà de son contrat qui s'arrête fin août. Sa mission a provoqué des remous au sein du SNPL, où certains se sont émus de voir le syndicat faire appel à quelqu'un qui fut proche de Jean-Charles Corbet, président du SNPL à la fin des années 1990 jusqu'en 2001. En effet, Jean-Charles Corbet n'a pas laissé que des bons souvenirs en interne, en raison de son passage controversé à Air Lib (qu'il reprit en 2001 et dirigea jusqu'à sa liquidation en 2003), et de la ligne dure qu'il imposait au syndicat du temps où il en était le président - une ligne qui rappelle, selon certains adhérents du SNPL, celle du bureau actuel (d'ailleurs certains membres figuraient dans l'équipe Corbet à l'époque). Quand Jean-Charles Corbet reprit Air Lib, Pascal Perri fut son directeur de cabinet. Selon un proche de l 'économiste, ce dernier « cherchait à redorer l'image des pilotes en en faisant des partenaires économiques responsables ».