La Cour des comptes fustige le financeur des infrastructures de transport

Par Laszlo Perelstein  |   |  596  mots
La majorité du budget de l'AFITF et qui provient de ressources fiscales versées par l'État est ainsi reversé à l'État, échappant à tout contrôle parlementaire de la loi des finances. (Crédits : Reuters)
L'institution de la rue Cambon a dressé un portrait très dur de l'AFITF, décrite comme une "coquille quasi-vide" dont le rôle est limité à celui de caisse de financement". Le budget de cet organisme est composé notamment de la majoration de la taxe (TCIPE) sur le gazole et de la taxe due par les sociétés concessionnaires d'autoroutes.

La Cour des Comptes assassine l'AFITF. Dans un référé adressé le 10 juin au Premier ministre Manuel Valls et portant sur l'exercice 2009-2015, l'institution de la rue Cambon réitère ses critiques adressées en 2009 à l'encontre de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, déplorant l'absence de feuille de route et de marge de manœuvre au sein de cet opérateur de l'État.

Créée en novembre 2004, l'AFITF a pour missions, selon son site internet, de "dépasser les aléas de l'annualité budgétaire" étant donné que ce sont des projets qui nécessitent des investissements sur plusieurs années, ainsi qu'"affecter des ressources provenant majoritairement du trafic routier au financement de projets d'infrastructures relevant de l'ensemble des modes de transport". Autoroutes, voies ferroviaires et fluviales, ainsi que transports publics sont ainsi financés par cet organisme.

Un porte-monnaie béni-oui-oui

Ce premier objectif n'a toutefois pas été atteint, regrette la Cour des Comptes, qui écrit que l'organisme présenté comme une "quasi-coquille vide" sur le plan administratif, a un "rôle limité à celui de caisse de financement, gérée de facto par la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) au ministère chargé des transports". Malgré des débats décrits comme "riches" lors des conseils d'administration, l'AFITF est présentée comme "n'ayant dans les faits aucune autonomie décisionnelle".

"Aucun administrateur n'a émis un vote négatif sur une seule des quelque 600 conventions proposées à l'approbation du conseil au cours des dix dernières années."

Pis encore, l'AFITF est décrite comme un "moyen de s'affranchir des principes du droit budgétaire". La majorité du budget de l'AFITF* (voir plus bas) et qui provient de ressources fiscales versées par l'État est ainsi reversé à l'État, échappant à tout contrôle parlementaire de la loi de finances. Surtout, les engagements financiers pris n'ont pas de financement assuré à moyen terme. "L'accumulation de restes à payer fait peser de sérieux doutes sur la capacité de l'AFITF à faire face à ses engagements", met en garde la Cour des comptes. Le montant de ces restes à payer s'élevait à 11,86 milliards d'euros au 31 décembre 2015, soit quelque cinq années de budget. Pour faire face à ces obligations financières, l'institution suggère notamment de "réduire considérablement les engagements nouveaux" tout en s'assurant de "leur rentabilité socio-économique".

"L'AFITF est auditionnée chaque année", répond Valls

Dans sa lettre de réponse, datée de 10 août, le Premier ministre Manuel Valls a salué l'AFITF qui "a réussi à s'imposer comme une véritable instance de décision" et "s'est affirmée [...] comme un lieu de débats". Rappelant que l'organisme publie chaque année ses rapports d'activité en ligne, le chef du gouvernement souligne que des audits ont lieu annuellement dans le cadre de la préparation des projets de loi de finances.

Manuel Valls apporte également des nuances concernant l'important niveau des restes à payer, montant qui serait "à relativiser puisqu'[il] inclut plus de 6 milliards d'euros pris au titre de contrats de partenariat (public-privés, Ndlr) qui ont vocation à être décaissés par l'AFITF sur le long terme".

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(*) Le budget de l'AFITF s'élevait pour l'exercice 2015 à 2,355 milliards d'euros. Détaillé dans le rapport d'activité publié sur le site, ce budget est composé notamment de la majoration de la taxe (TCIPE) sur le gazole (1,139 milliard d'euros) et de la taxe due par les sociétés concessionnaires d'autoroutes (561 millions d'euros auxquels s'ajoutent 100 millions d'euros de contribution volontaire exceptionnelle).