Loi sur les mobilités : une première réponse à la crise des gilets jaunes

Par César Armand  |   |  1047  mots
La ministre des Transports Elisabeth Borne. (Crédits : CHARLES PLATIAU)
Lors de la présentation de la loi d'orientation sur les mobilités ce 26 novembre, François de Rugy et Elisabeth Borne sont restés intransigeants sur la hausse des taxes sur les carburants. Mais ils considèrent que cette loi est une "boite à outil" qui permettra à l'avenir d'améliorer les mobilités du quotidien et mettra l'accent sur la voiture partagée.

Avant d'être élu président de l'Assemblée nationale et d'être nommé ministre d'Etat chargé de la Transition écologique et solidaire, François de Rugy était écologiste. En attendant le lancement du Haut conseil pour le climat par le président Macron demain, le successeur de Nicolas Hulot n'a pas dévié de cette ligne lors de la présentation de la loi d'orientation pour les mobilités aujourd'hui.

"Nous considérons que ce n'est sûrement pas en disant "on ne fait plus rien, on ne change rien, on stoppe cette trajectoire sur la fiscalité" qu'on arrivera à trouver des solutions" a considéré François de Rugy. "Ce serait un comble par rapport à celles et ceux qui ont déjà changé de comportements et d'habitudes."

Une présentation "pas pour des questions d'actualité" (Rugy)

Hasard (ou non) du calendrier, la mise sur les rails de ce nouveau texte gouvernemental sur les mobilités intervient au lendemain de l'acte II de la mobilisation des gilets jaunes. "Nous ne faisons pas cela pour des questions d'actualité" a rétorqué le ministre de la Transition écologique et solidaire qui a encore fait la leçon aux contestataires : "S'il y a plus de démagogie que d'écologie, on n'arrivera à rien !"

Elisabeth Borne, qui travaille sur ce projet de loi depuis quasiment le début du quinquennat, réaffirme, elle, son "obsession" de lutter contre "une mobilité en panne" et "une dépendance à l'usage individuel de la voiture".  La ministre des Transports dit avoir vu "le malaise profond" dans le pays lors de ses déplacements et "l'expression d'une colère contre une injustice dont [elle] comprend complètement les tenants". "On a enfermé des pans entiers de notre population dans le tout-voiture", regrette-t-elle.

Depuis un an et demi, le gouvernement s'est en effet fixé cinq priorités afin de mettre l'accent sur les "mobilités du quotidien" plus que sur les grands projets d'infrastructures : entretien des réseaux existants, désaturation des nœuds ferroviaires, accélération du désenclavement des territoires ruraux, développement de l'usage des mobilités propres et actives et soutien du rapport modal dans le transport des marchandises.

Parmi les quinze mesures programmées, certaines résonnent avec la crise actuelle sur le prix des carburants. Le gouvernement débloquera ainsi des fonds auprès des collectivités pour subventionner le covoiturage ou verser des aides individuelles à des publics ciblés. Par exemple, les accompagnateurs des personnes handicapées pourront bénéficier de tarifs réduits. Devant de nombreux acteurs locaux, elle a ainsi déclaré : "Compte tenu de l'urgence, j'invite chacun à anticiper la mise en oeuvre."

Le péage urbain et la vignette poids lourds abandonnés

En revanche, le péage urbain, qu'aurait pu instaurer toute agglomération de 100.000 habitants, n'est plus à l'ordre du jour. "On y a travaillé car les collectivités nous le demandaient, mais c'est vécu comme créant de nouvelles fractures dans les territoires", a justifié Elisabeth Borne. Peut-être que le temps des taxes impactant le grand public est-il même définitivement révolu...

Idem avec la vignette poids lourds : "il n'a jamais été question de mettre en place une nouvelle ressource pour l'année 2019" a assuré la ministre des Transports. "Il n'a jamais été question de revenir à la taxe poids lourds qui a été arrêtée net il y a quelques années dans ce ministère", a renchéri le ministre de la Transition écologique.

L'écotaxe, votée sous la présidence Sarkozy, a en effet été arrêtée par Ségolène Royal tout juste nommée ministre de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie au printemps 2014. Sa directrice de cabinet n'était autre qu'Elisabeth Borne... De même, s'il a toujours été question de 2020 pour la vignette poids lourds, la même Elisabeth Borne admettait, devant La Tribune début novembre, qu'il était 'légitime de se poser la question de la participation des poids lourds, notamment ceux en transit, au financement des infrastructures".

L'année 2020 pas encore financée

Avec François de Rugy, la ministre des Transports avait par ailleurs invité six représentants des territoires pour commenter une loi taillée sur mesure pour les régions. Le président d'Ardenne-Métropole, Boris Ravignon,a parlé des deux communes de Sedan et Charleville-Mézières et du "rural très profond". Florence Gilbert, directrice générale de la startup Wimoov, s'est félicitée de la compétence sur la "mobilité inclusive" créée par la loi. La directrice du développement et de la promotion portuaire du Port autonome de Strasbourg, Emilie Gravier, a raconté des bonnes pratiques déjà mises en place.

En présence de Frédéric Mazella, le fondateur de Blablacar qui travaille sur les trajets domicile-travail, Julien Honnart, le président-fondateur de Klaxit (une autre startup de la Mobitech), a vanté le covoiturage, pour lequel les collectivités pourront dédier des voies réservées. Après le député de la majorité Jean-Luc Fugit, Yann Mongaburu, président du syndicat mixte des transports en commun de Grenoble Métropole, a, pour sa part, salué le "déverrouillage des outils" dans la continuité du discours ministériel sur la boîte à outils que constitue ce projet.

Ces interventions sont en réalité symptomatiques de la façon de penser d'Elisabeth Borne. Selon elle, les nouvelles mobilités sont le meilleur moyen de répondre aux besoins des Français. En réponse à la colère des gilets jaunes, l'idée d'un "plan Marshall" des mobilités qui embarquerait tout le monde a été évoquée. La ministre a cité l'exemple d'un transport scolaire enrichi et mis à disposition des autres publics en dehors des horaires habituels.

Il n'empêche : le gouvernement ne sait pas encore comment il financera la révolution de la mobilité du quotidien en 2020. Or, le besoin en ressources nouvelles est déjà estimée à 500 millions d'euros. "On a du temps pour y travailler" a tempéré Elisabeth Borne. "C'est ce qu'on va faire dans les prochaines semaines et mois."  Il ne lui reste plus qu'à trouver l'équilibre entre transition écologique, financement solidaire et empreinte carbone. Une gageure.