Matériels de transport : Lohr démarre la production de sa navette Cristal

Le spécialiste alsacien des matériels de transport a mis au point un véhicule électrique destiné au transport en commun. Il équipera quatre collectivités en France en 2021. Une version autonome sans chauffeur est en développement avec Transdev.
Lohr poursuit à Duppigheim (Bas-Rhin) la mise au point de sa navette autonome i-Cristal. Une version simplifiée, dénuée de ses fonctions de conduite sans chauffeur, est commercialisée dès cette année.
Lohr poursuit à Duppigheim (Bas-Rhin) la mise au point de sa navette autonome i-Cristal. Une version simplifiée, dénuée de ses fonctions de conduite sans chauffeur, est commercialisée dès cette année. (Crédits : Olivier Mirguet)

Le calme règne encore dans l'atelier chez Lohr à Duppigheim. Un technicien s'affaire autour de la caisse en acier galvanisé du Cristal, le nouveau véhicule pour le transport de voyageurs mis au point par l'industriel alsacien. Cet exemplaire, l'un des premiers fabriqués en série, s'apprête à recevoir son moteur électrique et ses éléments de carrosserie. Bientôt, la production montera en puissance : 2021 est l'année du lancement commercial pour la navette Cristal, après plus d'une décennie de mise au point pour ce minibus très compact. Avec une longueur de 4,23 mètres, il ne dépasse pas l'encombrement d'une voiture moyenne. Cet été, il entrera en service commercial à Ajaccio, la première collectivité qui a passé commande chez l'industriel alsacien. Les cinquante exemplaires suivants seront livrés avant la fin de l'année, partagés entre Ajaccio, Orange, Avignon et Saverne. Si les objectifs commerciaux sont respectés, 100 unités seront produites en 2022, puis 500 unités en 2023.

Chez Lohr, la mise au point du Cristal s'est apparentée à un parcours du combattant. Pour ce spécialiste alsacien des matériels de transport, spécialisé dans le ferroutage, les remorques porte-voitures et les véhicules militaires, Cristal incarne un relais de croissance longtemps attendu. "Le projet remonte à 2006", calcule Jean-François Argence, directeur des nouvelles mobilités chez Lohr. L'idée de départ consistait à produire une navette autonome pour répondre à des besoins de mobilité individuelle et semi-collective, en utilisant l'intelligence artificielle pour s'insérer dans la circulation.

Mais en 2012, la société Lohr s'est vue ralentie par les difficultés commerciales de son tramway sur pneus Translohr, finalement cédé à Alstom. En 2013, c'est Navia, un modèle concurrent du Cristal, qui a servi pour des essais de minibus sans chauffeur à Illkirch-Graffenstaden en banlieue de Strasbourg. En 2017, un partenariat avec Transdev, filiale de la Caisse des dépôts, a relancé les travaux de développement du Cristal. Dans le même temps, Lohr a mis au point une version simplifiée de sa navette, sans fonction de conduite autonome. Cette dernière s'assimile à un minibus électrique, capable de circuler seul ou en convoi. C'est cette version simplifiée qui arrive cette année sur le marché.

Trains roulants PSA

"Cristal permet de transporter quatorze personnes, dont quatre en position assise. En formation attelée, jusqu'à quatre unités, Cristal voit sa capacité passer à 56 passagers. Une deuxième version "cabine", qui ne peut fonctionner qu'en configuration attelée, permettra d'emmener 3 passagers supplémentaires", détaille Jean-François Argence. "Sur la navette Cristal, nous sommes assembleur. La part de fournitures extérieures est plus élevée que sur nos autres solutions. Par exemple, les trains roulants du Cristal sont achetés chez PSA, dont l'une des fourgonnettes prête ses triangles de suspension", précise-t-il.

La version autonome i-Cristal est encore en cours de développement avec Transdev. Elle entrera en production en 2022. Plusieurs prototypes ont été mis à l'essai depuis l'été 2019 sur le plateau de Saclay, en région parisienne. Cette version autonome sera dotée de radars, de lidars, de caméras et équipé d'une robotisation pour s'affranchir complètement du chauffeur et de l'interface homme-machine. "Transdev sera évidemment notre premier client pour i-Cristal. Mais pour la navette Cristal qui entre en production cette année, nous ne voulons être associé à aucun opérateur de transports en commun en particulier", insiste Jean-François Argence.

600 kilos de batteries

A 150.000 euros l'unité, batteries incluses, Lohr expose des arguments économiques et écologiques. "Nous avons traité le problème de l'heure creuse dans les réseaux de transport urbain. Cristal supprime l'aberration des bus qui circulent à vide à certains moments de la journée. Sur son cycle de vie, il est moins onéreux que des bus thermiques ou électriques, en tenant compte du remplacement des batteries à mi-vie", calcule Jean-François Argence. Cristal se destine aux lignes soumises à de fortes fluctuations de fréquentation sur les plages horaires d'une journée. En heure creuse, les navettes non utilisées restent stationnées au terminus. Le concepteur promet une autonomie de 100 kilomètres, avec 600 kilos de batteries embarquées.

Pour Lohr, qui a réalisé 466 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2019, Cristal est perçu à la fois comme un produit de sortie de crise et comme un moyen de lisser les autres activités, jugées trop cycliques pour les remorques porte-camions et sur le matériel militaire. Lohr compte plusieurs usines à l'étranger, à Lincoln (en Alabama, aux Etats-Unis) mais aussi au Mexique, en Serbie, en Inde et en Turquie. L'entreprise compte 1 500 salariés dont la moitié sur son site industriel historique à Duppigheim, près de Strasbourg.

Le fondateur Robert Lohr (89 ans) et sa famille sont restés aux commandes depuis les années 1960, après un aller-retour de partenaires financiers (3i, Natexis) au capital au début des années 2000. Mais la gouvernance a été revue récemment avec l'arrivée de dirigeants opérationnels extérieurs. François Lhomme, ancien membre de la direction du groupe Hager, vient d'accéder à la présidence du directoire du groupe Lohr, dans l'objectif de stabiliser l'activité et de renouer avec la croissance. En 2012, pendant la tempête du Translohr, l'entreprise était passée par un dépôt de bilan.

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