Qatar Airways vient crisper le climat des négociations entre Air France et ses pilotes

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  859  mots
Akbar al-Baker, le directeur général de Qatar Airways (Crédits : AXEL SCHMIDT)
La compagnie du Golfe a annoncé ce mercredi au salon du tourisme de Berlin la réouveture de la ligne Doha-Nice en 2017. L'attribution de ces vols par la France fait l'objet d'une polémique depuis un an car elle symbolise pour les syndicats d'Air France le désintérêt de l'Etat pour le transport aérien français. Alors que les négociations sur de nouvelles mesures de productivité reprennent ce jeudi à Air France, le SNPL conditionne notamment ses efforts à des actions de l'Etat pour améliorer la compétitivité de la compagnie.

Akbar al-Baker aurait voulu jeter de l'huile sur le feu sur la reprise des négociations ce jeudi entre la direction d'Air France et le SNPL pour tenter de trouver un accord sur de nouvelles mesures de productivité des pilotes qu'il ne se s'y serait pas pris autrement. En annonçant ce mercredi au salon du tourisme de Berlin la réouverture de la ligne Doha-Nice en 2017, à raison de 5 vols par semaine, le directeur général de Qatar Airways a conforté les réticences du SNPL d'Air France à signer un accord. Le syndicat majoritaire des pilotes conditionne en effet ses efforts à un plan de croissance ambitieux de la direction mais aussi à des actions de l'Etat pour améliorer la compétitivité de la compagnie. Il demande notamment un allègement des taxes qui frappent le secteur aérien français et l'arrêt de l'attribution de droits de trafic aux compagnies du Golfe, accusées de fausser la concurrence en raison des aides publiques dont elles bénéficient de leur Etat-actionnaire. Des points suggérés par Bruno   Le Roux dans son rapport sur les mesures à prendre pour améliorer la compétitivité du pavillon français remis fin 2014 à Manuel Valls.

Vols contre Rafale?

Depuis leur attribution au printemps 2015 par François Hollande, ces vols vers Nice (Lyon a a également été accordé à Qatar Airways mais son ouverture n'a pas été annoncée) symbolisent pour les syndicats et les salariés d'Air France, le désintérêt de l'Etat pour l'avenir de la compagnie française et le transport aérien français. A leurs yeux, l'Etat n'a pas hésité à fragiliser Air France pour vendre des Rafale de Dassault Aviation. Pour beaucoup d'observateurs, les nouveaux vols de Qatar Airways ont été accordés en contrepartie de l'achat des avions de chasse français.

Ils ont en effet été accordés en catimini par le chef de l'Etat lors d'un déplacement à Doha au cours duquel le Qatar a signé l'achat de 24 Rafale à Dassault Aviation. Une décision qui avait surpris à plus d'un titre tant elle tranchait avec le discours que tenait jusque là le gouvernement sur les compagnies du Golfe. Elle était en effet en totale contradiction avec le gel des droits de trafic aux compagnies du Golfe en vigueur depuis le début du mandat de François Hollande en 2012 pour protéger Air France en difficulté, mais aussi avec l'action que menait la France à Bruxelles contre les compagnies du Golfe. Une position de fermeté qu'avait d'ailleurs réaffirmé quelques semaines plus tôt le secrétaire d'Etat aux transports Alain Vidalies.

 Aujourd'hui, même si Air France va mieux, le débat est toujours d'actualité. Le SNPL ne bougera que si la direction et l'Etat bougent dans la direction qu'ils souhaitent. Et ces derniers ne bougeront que si le SNPL s'engagent à faire des efforts.

L'exemple d'Oman Air

Le gouvernement affiche aujourd'hui une nouvelle posture face aux compagnies du Golfe.

«Nous sommes prêts à leur accorder de nouveaux droits, mais ils doivent signer dans l'accord, une clause de concurrence équitable, comme l'a fait Oman Air », explique une source ministérielle.

A défaut, les compagnies du Golfe pourraient être un peu coincées pour augmenter leur offre en France et en Allemagne, les deux rares pays européens où elles ne disposent pas d'un accès total au marché. Car si les pays européens confient un mandat à la Commission européenne pour négocier les droits de trafic avec des pays tiers (en exigeant des clauses de concurrence équitable) comme la France et l'Allemagne le souhaitent, tous les droits de trafic en Europe seront gelés le temps de la négociation, laquelle risquerait de durer. Autrement dit, dans un tel scénario, les compagnies du Golfe ne pourraient pas compter sur la signature de gros contrats commerciaux avec la France pour avoir de nouveaux droits en France.

Encore faut-il que les pays européens parviennent à s'entendre sur un tel mandat. Et voir ce qu'il en ressortirait au final.

Doublement de la capacité à Amsterdam

En attendant, la réouverture de la ligne vers Doha est une excellente nouvelle pour l'aéroport de Nice. En 2013, la compagnie qatari avait transféré les droits de trafic qu'ele utilisait pour la desserte de Nice (trois vols par semaine) à Paris afin de proposer trois vols quotidiens entre Roissy-Charles de Gaulle et Doha. A l'époque l'accord sur les services aériens entre La France et le Qatar n'autorisait que 21 vols par semaine entre les deux pays et la compagnie a préféré les utiliser tous à Paris.

En plus de Nice, d'autres nouvelles lignes ailleurs sur le réseau de Qatar Airways vont renforcer l'attractivité de la compagnie sur le marché français. L'ouverture des vols entre Doha vers les Seychelles, Krabi et Chiang Mai en Thaïlande, Whindhoek en Namibie ou Auckland en Nouvelle-Zélande vont apporter de nouvelles possibilités de correspondances à Doha avec les vols en provenance de France. Idem à Amsterdam, l'autre hub d'Air France-KLM, où Qatar Airways va doubler sa capacité en assurant ses vols Doha-Amsterdam en B777 et non plus en B787.