TGV low-cost : jusqu'où pousser Ouigo ?, s'interroge la SNCF

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  927  mots
Ce vendredi, la direction de la SNCF a présenté en conseil d'administration ses réflexions stratégiques concernant l'avenir du TGV, dont le parc va être une nouvelle fois déprécié de plus de 1,4 milliard d'euros dans les comptes 2015. Le TGV à bas coûts Ouigo est appelé à croître pour concurrencer le covoiturage sur la longue distance.

Jusqu'où pousser le low-cost pour le TGV dans le but de contrer le covoiturage? Si la question du développement de Ouigo, l'entité TGV à bas coûts lancée en 2013, ne se pose pas pour la SNCF, celle de son périmètre pour les prochaines années reste à définir alors que la concurrence des autres modes de transport ne cesse de croître.

C'est le message passé ce vendredi par la direction de la SNCF à l'occasion d'un conseil d'administration de SNCF Mobilités, durant lequel elle a présenté aux administrateurs sa vision de l'évolution de la mobilité en France qui devrait essentiellement se développer sur le segment de marché des petits prix, et les grandes réflexions stratégiques pour gagner des parts de marché de manière rentable.

Coincer le covoiturage

"Nous devons continuer de prendre l'entrée du marché. C'est ce que nous avons commencé à faire avec Ouigo. L'idée est de coincer le covoiturage entre le bus et Ouigo » a indiqué ce vendredi Rachel Picard, la directrice générale de SNCF Voyages, lors d'une rencontre avec la presse avant le conseil d'administration. "Le covoiturage ne tuera pas le TGV. Il deviendra un moyen complémentaire mais ne va pas changer structurellement la mobilité de demain. Notre conviction, c'est que le covoiturage va perdre de la part de marché par rapport au bus et Ouigo", a-t-elle ajouté en précisant que le covoiturage devrait surtout "se développer sur les petites distances et sur les liaisons domicile-travail"sur lequel la SNCF dispose d'une offre avec IDVroom.

 Ouigo représente 7% du trafic TGV

Cette stratégie passe donc, aux yeux de la direction, par le développement de Ouibus et de Ouigo qui représente déjà 7% du trafic TGV (et même 15% sur Paris-Marseille) .

"Le bas du marché est en train de croître et que c'est là qu'il faut récupérer de la part de marché. Ouigo est une arme formidable pour le faire. Le bus aussi. Nous devons pousser ces armes, en particulier Ouigo", a insisté Rachel Picard.

Si le TGV classique sera demain "un peu plus petit qu'aujourd'hui et Ouigo plus gros", reste à définir les curseurs pour trouver la bonne place de chacune des entités de la SNCF (Ouibus, Ouigo, le TGV, IDVroom, et Intercités). C'est tout l'objet de la réflexion stratégique.

"Nous avons un arsenal varié. Nous allons mener des études pour définir la part de low-cost et de petits prix il faut mettre sur le marché demain".

Un discours qui ne peut qu'ajouter un peu de tensions dans les négociations sociales avec les syndicats sur l'organisation du temps de travail.

Dépréciation d'actifs

La volonté de développer Ouigo traduit également l'incapacité de la SNCF à dégager suffisamment de cash flow sur la durée pour justifier le coût d'acquisition des nouvelles rames. Selon Rachel Picard, une nouvelle dépréciation de la valeur du parc TGV figurera dans les comptes de l'année 2015 qui seront présentés en mars. Cette dépréciation devrait dépasser celle de 2013 (1,4 milliard d'euros), une année qui s'était soldée par un résultat net négatif.

Ce jeu d'écritures comptable ne génère certes pas de sortie de cash, il est néanmoins un signal très fort : il signifie en effet que l'activité aujourd'hui n'est pas suffisamment rentable pour permettre le financement et le renouvellement du parc TGV.

Retour à la croissance en 2015

Certes, 2015 signe le retour de la croissance du trafic TGV sur le réseau intérieur après trois années de baisse (+0 ,4% malgré l'impact des attentats). Certes, Voyages SNCF a dépassé son objectif de 80 millions d'euros d'économies en 2015, après une centaine de millions d'euros dégagée en 2014. Il n'empêche, les coûts fixes restent très élevés en raison du coût des péages selon Rachel Picard.

«Pour être rentable, il faut plus de passagers », explique-t-elle.

D'où la volonté de développer Ouigo dont les coûts au passager transporté sont aujourd'hui 40% moins élevés que ceux du TGV classique. Ceci en raison d'un système de production différent, lié notamment à une refonte de l'organisation du travail . Aujourd'hui, Ouigo est quasiment à l'équilibre, selon Rachel Picard. Mais va creuser ses pertes avec le développement de l'offre du fait du lancement en décembre de la ligne reliant Nantes à Roissy et Tourcoing, puis en 2017 de liaisons vers Bordeaux et Strasbourg. Pour 2016, la SNCF s'attend à un quasiment doublement du trafic de Ouigo, à 6 millions de passagers, contre 3,5 millions en 2015.

Baisse des prix sur les TGV classiques

Attirer plus de passagers passe également par une baisse des prix sur les TGV classiques afin d'augmenter le taux de remplissage des trains, aujourd'hui de 64%. La façon de faire du yield management (système d'optimisation de la recette en fonction de l'offre et de la demande) va être ajustée dans le but de maintenir les prix bas plus longtemps. Certains prix pourront ainsi baisser de 20 à 40%. Si les billets Prem's sont conservés, la SNCF va mettre en place plusieurs mesures commerciales pour baisser les prix. Tous les titulaires d'une carte d'abonnement bénéficieront par exemple d'une réduction, y compris sur les billets Prem's.

En contrepartie de ces baisses de prix, la SNCF va mettre en place un système de frais pour les modifications ou annultions des billets  de 5 euros, voire 15 euros en cas de changement la veille du départ.