La startup normande Veragrow élève 45 millions de lombrics pour « digérer » les biodéchets

Labellisée deeptech par la Bpifrance, la jeune entreprise normande Veragrow a mis au point des « lombricomposteurs » industriels et semi-industriels à destination des professionnels et des collectivités. Sa solution arrive à point nommé sur le marché à la veille d’un durcissement de la réglementation sur les déchets organiques.
Le lombricomposteur de proximité conçu par Veragrow peut traiter jusqu'à 5 kilos de déchets organiques quotidiennement. Son volant manipule une grille qui permet de récupérer le compost sans se salir.
Le lombricomposteur de proximité conçu par Veragrow peut traiter jusqu'à 5 kilos de déchets organiques quotidiennement. Son volant manipule une grille qui permet de récupérer le compost sans se salir. (Crédits : Veragrow)

L'échéance inscrite dans la loi Agec, dite « loi anti-gaspillage », se rapproche à grands pas. A compter du 1er janvier prochain, tous les professionnels (restaurateurs, agro-industriels...) produisant plus de cinq tonnes de biodéchets* par an auront l'obligation de  les trier à la source.

La même contrainte s'imposera aux collectivités un an plus tard. A charge pour elles d'organiser un système de collecte séparée des déchets organiques de leurs administrés. Majoritairement incinérés aujourd'hui, ces déchets dits « de cuisine » représentent un tiers de nos poubelles noires, selon le ministère de la Transition écologique.

Ce gisement inépuisable de plusieurs dizaines de milliers de tonnes est très convoité. Par les acteurs de la méthanisation au premier chef mais pas seulement. En Normandie, la startup Veragrow table sur la fenêtre de tir que lui offre la réglementation pour populariser le lombricompostage et le faire passer du stade artisanal à l'échelle industrielle. Fondée en 2019 par trois jeunes ingénieurs, elle s'est spécialisée dans ce processus qui transforme les matières organiques en amendement agricole grâce à l'action des vers de terre.

D'infatigables ouvriers

Installée à Val-de-Reuil dans l'Eure, son unité de production nourrit avec force épluchures, marc de café ou drèches de bière quelque 45 millions de lombrics de la famille des eisenia fetida. « Le plus commun, le plus vorace et le plus reproducteur », précise Alexandre Bocage, l'un de ses co-fondateurs. La littérature scientifique nous apprend, en effet, qu'un seul de ces vers digère quotidiennement l'équivalent de son poids et peut engendrer une descendance de 800 spécimens pendant sa courte vie (deux ans).

Pour exploiter au mieux les capacités de ces infatigables ouvriers, Veragrow a développé deux types de lombricomposteurs industriels et semi-industriels. Fourni avec 5 millions de lombrics, le premier et le plus capacitaire est capable de transformer en « flux continu » 150 tonnes de biodéchets par an en une quarantaine de tonnes de compost prêt à l'emploi. Commercialisée au prix de 100.000 euros, l'installation peut équiper des stations d'épuration ou de gros producteurs de déchets organiques comme des transformateurs de légumes. « Nous sommes en discussion avec plusieurs clients parmi lesquels Veolia et L'Oréal qui ont manifesté des marques d'intérêt », indique Alexandre Bocage.

Le second module cible plus spécifiquement le marché des collectivités ou des TPE. Vendu 5.000 euros avec 50 kilos de lombrics, l'équipement installable sur la voie publique peut accueillir jusqu'à 5 kilos de déchets quotidiennement. « Son gros avantage en comparaison de systèmes plus simples est que la matière n'a pas besoin d'être retournée et que le compost est facilement récupérable », vantent ses concepteurs. Baptisé Veraprox, il est en phase de test auprès de particuliers dans la communauté urbaine de Caen et dans la métropole de Rouen qui en a équipé deux restaurateurs.

Du solide vers le liquide

En parallèle, la jeune entreprise détentrice du label startup deeptech de la Bpifrance développe ce qui est présenté comme le premier biostimulant liquide fabriqué à partir des principes actifs du lombricompost. Utilisable par des agriculteurs, maraîchers ou horticulteurs en substitution des fertilisants de synthèse, il devrait être mis sur la marché l'an prochain, après obtention du feu vert de l'ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire). « Son utilisation en grandes cultures permet d'augmenter les rendements jusqu'à 30% », assure Alexandre Bocage.

Pour justifier cette promesse, le produit fait l'objet de plusieurs protocoles d'expérimentation dans des instituts techniques comme celui de la vigne et chez les adhérents de plusieurs coopératives dont le groupe normand Natup. Celui-ci semble satisfait au terme de sa première campagne de tests. « Nous enregistrons des résultats hétérogènes mais intéressants sur certains cultures d'hiver à confirmer sur les cultures de printemps », note Laurent Lemarchand, son directeur R&D. En attendant d'industrialiser sa solution, Veragrow commercialise son lombricompost sous forme solide dans les réseaux de magasins bio.

*Le code de l'environnement définit précisément les biodéchets (article R. 541-8). Ils sont regroupés en trois catégories, les déchets verts, issus de l'entretien d'espaces verts, les déchets de cuisine et de table (ou DCT) et ceux issus de l'industrie agroalimentaire

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Commentaires 3
à écrit le 08/09/2022 à 8:41
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il faut vite que la gauche invente une taxe pour taxer les profits de cette activite, tout en hurlant qu'il faut que ca aille plus vite avec bcp d'investissements ' pas rentables', comme disait segolene royal ( celle qui a transforme heuliez en leade...

à écrit le 07/09/2022 à 21:06
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La photo montre des vers de farine, pas des lombrics...

à écrit le 07/09/2022 à 20:05
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C'est ce que je fais dans mon jardin pour nourrir mes poules!

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