Investissements trop faibles, transition "trop lente" : les Etats ne sont pas au rendez-vous de l'urgence climatique, selon l'AIE

Par latribune.fr  |   |  672  mots
40% des réductions d'émissions "se paient d'elles-mêmes", par l'efficacité énergétique, la lutte contre les fuites de méthane ou les parcs solaires ou éoliens là où ces technologies sont déjà les plus compétitives, estime l'AIE. (Crédits : Stevo Vasiljevic)
Alors que le pétrole, gaz et charbon forment toujours 80% de la consommation finale d'énergie, la transition énergétique est "trop lente", alerte l'Agence internationale de l'énergie (AIE). A ce jour, les engagements climatiques des Etats, s'ils sont tenus, ne permettront que 20% des réductions d'émissions de gaz à effet de serre nécessaires d'ici 2030 pour garder le réchauffement sous contrôle.

A deux semaines de l'ouverture de la COP26 de l'ONU à Glasgow, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) alerte sur l'urgence environnementale. Malgré la montée en puissance des énergies renouvelables, "la transition est trop lente", estime l'AIE. Et la peine est double pour le monde entier qui subira le réchauffement climatique mais aussi des "turbulences" en matière d'approvisionnement si l'investissement n'est pas plus massif.

L'agence lance ainsi "de sérieux avertissements devant la direction que le monde prend", dans son rapport annuel. Certes, une "nouvelle économie émerge": batteries, hydrogène, véhicules électriques..., mais tous ces progrès sont contrés par "la résistance du statu quo et des énergies fossiles". Pétrole, gaz et charbon forment en effet toujours 80% de la consommation finale d'énergie, générant trois quarts du dérèglement climatique.

Les investissements devront "tripler dans les dix ans"

De plus, les besoins en électricité croissent plus vite que le déploiement des énergies renouvelables utilisées pour la produire, a déjà alerté l'agence en juillet. Par exemple cette année, la demande mondiale de courant devrait croître de près de 5% par rapport à l'an dernier du fait de la reprise économique. Mais face à une production trop faible d'énergies renouvelables, près de la moitié de cette hausse sera comblée par des combustibles fossiles, et les émissions de gaz à effet de serre associées devraient grimper de 3,5% cette année, et de 2,5% en 2022 - aboutissant à un niveau record.

A ce jour en effet, les engagements climatiques des Etats, s'ils sont tenus, ne permettront que 20% des réductions d'émissions de gaz à effet de serre nécessaires d'ici 2030 pour garder le réchauffement sous contrôle.

"Les investissements dans des projets énergétiques décarbonés devront tripler dans les dix ans, pour la neutralité carbone à 2050", résume le directeur de l'AIE, Fatih Birol.

De plus, alors que la crise du Covid a stoppé les progrès de l'électrification notamment en Afrique subsaharienne, le financement des pays émergents est clé. Ils doivent s'équiper tout en évitant notamment les centrales à charbon.

Trois scénarios pour l'avenir

Ainsi, l'organisme, émanation de l'OCDE chargée d'accompagner de nombreux pays, offre trois scénarios pour l'avenir.

Dans le premier, les Etats continuent comme aujourd'hui : les énergies propres se développent, mais hausse de la demande et industrie lourde maintiennent les émissions au niveau actuel. Résultat, le réchauffement atteint 2,6°C par rapport au niveau préindustriel, loin du 1,5°C garant d'impacts gérables.

Deuxième scénario : les Etats appliquent leurs engagements, notamment la neutralité carbone pour plus de 50 d'entre eux dont l'Union européenne. Résultat : la hausse des températures reste à 2,1°C.

La troisième option est la neutralité carbone, pour rester sous 1,5°C, "qui demandera des efforts majeurs mais offre des avantages considérables pour la santé comme le développement économique", estime l'AIE.

Pour atteindre ce dernier objectif, les financements supplémentaires nécessaires "sont moins lourds qu'ils n'y paraissent", ajoute l'agence. En effet, 40% des réductions d'émissions "se paient d'elles-mêmes", par l'efficacité énergétique, la lutte contre les fuites de méthane ou les parcs solaires ou éoliens là où ces technologies sont déjà les plus compétitives. L'AIE souligne aussi que l'actuel déficit général d'investissement affecte non seulement le climat mais aussi les prix et l'approvisionnement, promesse de "turbulences" comme le monde en connaît aujourd'hui avec les tensions post-Covid sur les énergies fossiles.

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Sans ces investissements massifs dans les énergies renouvelables, "le risque d'une volatilité déstabilisatrice ne pourra que croître avec le temps", estime ainsi le rapport, qui insiste sur l'importance d'une transition "abordable pour tous les citoyens". Pour cela, Fatih Birol appelle les dirigeants à la COP26 à "faire leur part en faisant des années 2020 la décennie du déploiement massif des énergies décarbonées".

(Avec AFP)