Vague d'engagements forts et multiplication d'annonces sur une relance économique verte : presque partout sur le globe, l'année 2020 a été marquée par la volonté affichée d'entamer une mutation en matière de lutte contre le changement climatique. Pourtant, alors même que la crise sanitaire « aurait pu changer la donne », le compte n'y est pas, souligne le groupe de réflexion international sur les énergies renouvelables REN21 dans un nouveau rapport. Pour cause,« en dépit de tous les discours vers un avenir énergétique propre », les plans de relance post-Covid ont en fait accordé six fois plus d'investissements aux fossiles qu'aux renouvelables, signale l'étude.
Résultat : sans réel tournant opéré, la part des énergies fossiles dans la consommation d'énergie mondiale est aussi élevée qu'il y a dix ans, quand celle des renouvelables n'a que peu progressé, regrette REN21. Dans le détail, les premiers (charbon, pétrole, gaz), sources de l'essentiel du réchauffement climatique du fait de leurs émissions, représentaient toujours 80,2% de la consommation d'énergie finale en 2019, contre 80,3% en 2009, pointe le réseau. La part des énergies renouvelables, elle, est passée de 8,7% à 11,2% du total, avec une croissance annuelle de 5% en moyenne - sur fond de croissance de la demande énergétique mondiale.
« Avec des subventions aux carburants fossiles qui atteignent 550 milliards de dollars en 2019 - près du double par rapport aux investissements dans les renouvelables - les promesses d'action climatique des dix dernières années se révèlent être surtout des paroles en l'air », estime la directrice de REN21, Rana Adib.
Objectifs non atteints
Dans les faits, au sein du G20, seulement quatre pays - plus l'Union européenne - s'étaient fixés en 2020 des objectifs de déploiement de renouvelables incluant tous les usages et secteurs (électricité, transport, chauffage, refroidissement et industrie) : l'Allemagne, l'Italie, la Grande-Bretagne et la France, « ces deux derniers peinant d'ailleurs à les atteindre », note REN21.
« La France avait les objectifs les plus ambitieux parmi les pays du G7 en termes de part des énergies renouvelables dans la consommation totale d'énergie finale en 2020 (23%), mais n'a pas réussi à l'atteindre, avec un total de 17% atteint », précisent les auteurs de l'étude.
Surtout, quinze des vingt pays les plus riches n'ont tout simplement pas établi d'objectifs en la matière, affirment-ils. « Nous sommes loin du changement de paradigme nécessaire à un avenir énergétique propre, plus sain et plus équitable. »
La France parmi les bons élèves
Cependant, le tableau n'est pas tout noir, nuance le réseau d'experts. Dans le même temps, le secteur de l'électricité a connu « des progrès considérables » : la quasi-totalité des nouvelles installations électriques sont désormais renouvelables, et plus de 256 gigawatts (GW) ont été ajoutés au réseau en 2020 - dépassant le précédent record de près de 30%, note l'étude.
Et la France fait partie des bons élèves, selon les critères retenus par REN21 : avec l'Autriche et la Suède, l'Hexagone est l'un des trois seuls pays à inclure des conditions « vertes » dans ses mesures de relance du secteur de l'aviation, exigeant une réduction de 50% des émissions de gaz à effet de serre, et minimum 2% de carburant renouvelable d'ici à 2030. Par ailleurs, il fait partie des principaux installateurs d'énergie éolienne au monde en 2020 - malgré les débats autour de l'installation de nouveaux parcs -, et se place respectivement aux quatrième et huitième rangs de l'Union européenne et du monde en la matière.
Dans le ferroviaire, la France se distingue aussi par ses ambitions : elle est l'un des deux seuls pays, aux côtés de l'Inde, à avoir adopté de nouvelles objectifs de promotion des renouvelables. En effet, la SNCF s'est engagée à couvrir une partie de ses besoins à l'aide d'électricité « verte », et signé un Power Purchase Agreement (PPA), c'est-à-dire un contrat d'achat en ce sens. Le but : fournir environ 2% de la consommation d'électricité de tous les trains de voyageurs nationaux.
Stratégie de sortie des combustibles fossiles
Une stratégie payante, non seulement pour le climat mais aussi pour l'économie, fait valoir REN21 : « dans un nombre croissant de régions, dont certaines parties de la Chine, de l'UE, de l'Inde ou des Etats-Unis, il est désormais moins coûteux de construire des parcs éoliens ou photovoltaïques que d'exploiter les centrales au charbon existantes », plaide le réseau. Notamment pour le solaire, dont les coûts ont baissé de près de 90% ces dix dernières années.
Alors, afin d'accélérer le mouvement, « les gouvernements ne doivent pas se contenter de soutenir les énergies renouvelables, mais aussi de mettre rapidement hors service les centrales à combustibles fossiles », défendent les auteurs du rapport.
« Un excellent moyen serait de faire de l'adoption des renouvelables un indicateur clé de performance pour toutes les activités économiques, budgets et marchés publics. Chaque ministère devrait avoir des objectifs à court, moyen et long terme, et des échéances claires de sortie des fossiles », insistent-ils.
En France, alors que le solaire photovoltaïque et l'éolien représentent moins de 20% du mix électrique français - contre plus de 70% pour le nucléaire, les six scénarios de production en 2050 récemment dévoilés par RTE, le gestionnaire du réseau de transport électrique, accordent une large place aux énergies renouvelables. Celles-ci devront connaître un fort développement au cours des trois prochaines décennies, pour assurer entre 50 et 100% de la production nationale.
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