Lhyfe va produire de l'hydrogène vert avec des éoliennes

Par Jérôme Marin  |   |  848  mots
La production d'hydrogène sur le site de production de Bouin, en Vendée, doit débuter en 2021. (Crédits : DR)
L'hydrogène pourrait remplacer les carburants polluants dans les voitures, les bus, les camions ou encore les avions. Mais 95% de la production mondiale provient aujourd'hui d'énergies fossiles. D'où l'idée de cette startup nantaise...

"Une première mondiale", s'enthousiasme Matthieu Guesné. A Bouin, sur les côtes vendéennes, la start-up Lhyfe ambitionne de produire, dès l'an prochain, plusieurs centaines de kilos d'hydrogène 100% vert par jour. "C'est la première fois que l'on va alimenter un électrolyseur de taille industrielle avec une énergie renouvelable", poursuit son fondateur et patron. Une première étape pour cette jeune pousse nantaise, qui officialise jeudi 16 janvier une première levée de fonds de 8 millions d'euros - à laquelle s'ajoutent 3 millions de subventions publiques. Dans les cinq ans, elle rêve ensuite d'installer des unités de production en mer, à proximité des champs d'éoliennes.

Pour beaucoup, l'hydrogène, aussi utilisé dans l'industrie, pourrait jouer un rôle majeur dans la transition écologique, remplaçant les carburants polluants dans les voitures, les bus, les camions ou encore les avions. "C'est l'aboutissement de la mobilité verte", estime ainsi Alain Leboeuf, président du SyDEV, le syndicat d'énergie de Vendée, qui fait partie des investisseurs de Lhyfe. Mais 95% de la production mondiale provient aujourd'hui d'énergies fossiles. Chaque année, cela représente des émissions 830 millions de tonnes de CO2, selon les estimations de l'Agence internationale de l'Energie. Soit quasiment autant que le secteur aérien ou que le transport maritime.

Outil prédictif

"En roulant avec cet hydrogène, qui certes n'émet que de la vapeur d'eau, on ne fait que déplacer le problème", souligne Matthieu Guesné. Parmi les solutions: l'électrolyse de l'eau. Un processus, plus coûteux que la production à partir de gaz naturel, qui permet d'extraire les atomes d'hydrogène grâce à un courant électrique. Si plusieurs installations de taille industrielle existent déjà, notamment en Allemagne et au Danemark, "elles sont toutes raccordées au réseau électrique", rétorque cet ancien du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Leur bilan carbone est donc celui du mix énergétique. Certes, "bas carbone en France mais pas zéro carbone", poursuit-il.

Le site de production de Lhyfe doit être construit au cours du première semestre, pour un début d'exploitation prévu début 2021. Il sera relié à un parc éolien de huit mâts situé à proximité, qui sera progressivement entièrement débranché du réseau. Cette énergie verte présente cependant un inconvénient de taille: son intermittence. En l'absence de vent, l'usine sera en effet à l'arrêt. "Cela ne devrait arriver que quelques semaines par an", nuance le patron de la société, mettant en avant le facteur de charge déjà observé sur le champ de Bouin, situé à une centaine de mètres de l'océan.

En outre, Lhyfe assure avoir mis au point un outil prédictif "technico-économique". Celui-ci serait capable d'anticiper les jours de faible vent, en s'appuyant sur les courbes de production des éoliennes depuis 15 ans. Puis d'ajuster la production quotidienne d'hydrogène en prévoyant aussi les besoins des clients. Objectif: "garantir la disponibilité tous les jours, quelque soit l'état du vent", indique Matthieu Guesné. Au départ, la start-up prévoit de fournir 300 kilos d'hydrogène par jour, un niveau qui lui permettrait d'être rentable. Elle prévoit ensuite d'atteindre "une tonne, voire quelques tonnes".

Unités de production offshore

L'entreprise nantaise se dit également capable de produire de l'hydrogène à un prix compétitif à la pompe. Selon elle, un plein coûterait entre 70 et 80 euros et permettrait de parcourir entre 700 et 800 kilomètres. Sa production sera distribuée dans la région. "Une première station va être ouverte à La Roche-sur-Yon", souligne Alain Leboeuf, qui précise que les collectivités locales vont se doter de véhicules hydrogène, notamment des bennes à ordures ménagères. "D'autres collectivités de la région sont intéressées", assure le président du SyDev. Une ligne de bus sera, par ailleurs, convertie à l'hydrogène.

Une fois opérationnel, le site de Bouin doit, de surcroît, servir de démonstrateur. Aussi bien du processus industriel, en particulier de sa capacité à s'adapter à l'intermittence de l'énergie qui l'alimente, que du modèle économique. En cas de réussite, Lhyfe projette ensuite de répliquer la formule ailleurs en France, mais aussi à l'étranger. Ces prochaines unités de production ne seront pas nécessairement connectées à un champ d'éoliennes. Elles pourront aussi utiliser de l'électricité photovoltaïque, hydraulique ou issue de la biomasse solide.

A moyen terme, l'entreprise souhaite s'installer en mer, à proximité des champs d'éoliennes offshore. "Les vents y sont plus puissants et plus constants", note Matthieu Guesné. De quoi limiter les jours de non-production. En outre, ces parcs sont beaucoup plus vastes et fournissent davantage d'électricité. Les unités de production pourront donc être bien plus grandes que sur terre, entraînant des économies d'échelle. Une partie du site de Bouin sera destinée à la recherche et au développement, pour laquelle Lhyfe prévoit de recruter une quinzaine de personnes cette année. La première installation en mer est espérée, elle, en 2025.