Brésil : les industriels préoccupés par la concurrence chinoise

Le déficit commercial des biens d'équipement accumulé ces cinq dernières années est de 45 milliards de dollars.
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Pendant tout le trajet de bus qui l'amène de Nova Iguaçu, une ville de la banlieue de Rio de Janeiro, à Copacabana, où elle travaille comme nounou, Elaine Souza n'a pu décoller les yeux de son nouveau téléphone. Un bel écran, un appareil photo, et surtout, la possibilité d'introduire deux puces, correspondant à deux numéros de téléphone de deux compagnies différentes. Selon son interlocuteur, elle use l'une ou l'autre, puisque les communications « prépayées » sont moins chères entre numéros d'une même entreprise. C'est un « chinezinho », littéralement, un « petit chinois ». C'est ainsi que les Brésiliens ont baptisé ce modèle qui fait fureur dans les couches populaires. Elaine l'a acheté à Rio dans le quartier de Saara, créé par des émigrés arabes. Aujourd'hui, derrière les comptoirs, les Chinois sont majoritaires. Ces derniers jours, les boutiques se sont parées de couleurs en prévision du carnaval, début mars. La quasi-totalité de leurs produits viennent de l'ex-empire du Milieu.

Le « coût Brésil » plombe

Au Brésil, la déferlante de produits chinois n'est pas une nouveauté dans l'électronique, les jouets, le textile et la chaussure. Mais depuis quelques mois, c'est le secteur des équipements industriels lourds, qui tire la sonnette d'alarme. Installée dans l'État de São Paulo, Paletrans, spécialisée dans la fabrication de porte-palettes, utilisées pour transporter des marchandises dans les supermarchés, est pratiquement la dernière entreprise brésilienne de son secteur. Dix autres concurrentes ont jeté l'éponge ces six dernières années, laminées par la concurrence chinoise.

L'Association brésilienne de l'industrie de machines et des équipements (Abimaq) est préoccupée : bien que le secteur ait connu une hausse de sa production de 30 % depuis 2004, elle est très loin de suivre la demande, qui a explosé de 76,5 %. Tout le reste des équipements vient de l'extérieur : les importations de machines et équipements ont augmenté de 167 % au cours des six dernières années, alors que les exportations ont reculé de 21 %. « C'est vrai que l'économie est dynamique grâce au marché intérieur, mais il y a une véritable invasion de produits importés, en grande majorité venus de Chine », déplore le président de l'Abimaq, Luiz Aubert Neto. Et pour cause : en 2004, les entreprises chinoises ne possédaient que 2 % de la part de marché des machines et équipements, aujourd'hui, elles répondent à 40 % de la demande. En 2005, 40 % des machines utilisées au Brésil étaient importées, 60 % étant produites localement. En 2010, la proportion est exactement inverse. « Il n'y a pas de doute, le processus de désindustrialisation a commencé », conclut-il.

Le déclin s'explique par une persistance de ce qu'on appelle ici le « coût Brésil » (transports de mauvaise qualité, ports débordés, fiscalité chaotique et corruption). Mais le principal accusé, aux yeux des industriels, est le taux de change, le real étant l'une des monnaies les plus fortes du monde, en particulier par rapport au yuan chinois. La hausse récente des taux d'intérêts et l'entrée de devises conséquentes ne devraient pas améliorer la situation.

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