Ces sacro-saintes dépenses publiques

<b>LES FAITS - </b>Le gouvernement annonce un plan de redressement budgétaire de 30 milliards d'euros, qui repose pour un tiers seulement sur des économies mais promet une baisse de la dépense publique à l'horizon 2017.<br /> <b>LES FREINS - </b>Toutes majorités confondues, les gouvernements se heurtent à une levée de boucliers dès qu'ils veulent réduire la dépense. En matière de prestations sociales et de réforme des collectivités locales, notamment.
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La présentation du budget de l'État pour 2013, ce vendredi 28 septembre, est l'occasion d'un engagement renouvelé du gouvernement, sur un air déjà entendu : comme tous ses prédécesseurs depuis le début des années 1990, toutes majorités confondues, l'exécutif promet de baisser les dépenses publiques. Certes, en 2013, les économies sur les dépenses ne représenteront qu'un tiers de l'effort de redressement budgétaire de 30 milliards d'euros, annoncé par François Hollande. Preuve qu'elles ne sont pas faciles à réaliser. Mais à moyen terme, à l'horizon 2017, les crédits publics baisseront franchement - tout au moins en proportion de la richesse nationale -, assure le gouvernement.
Ces dépenses des administrations (État, sphère sociale, collectivités locales) reculeraient de près de 3 points, revenant d'un peu plus de 56% du PIB en 2012 à près de 53% en 2017, promet Bercy. Peut-on croire le ministre de l'Économie, Pierre Moscovici, quand il décline ces chiffres? Au cours de la décennie 1980, les dépenses publiques représentaient un peu moins de 50% du PIB, en moyenne. Puis, ce fut 52,8% pendant les années 1990. Et enfin, 53,5% au cours de la décennie 2000. Pour arriver à 56,2%, aujourd'hui.
Comme ses prédécesseurs, ce gouvernement aura à n'en pas douter toutes les peines à atteindre son objectif de diminution du « poids » de la dépense publique. Pour une série de raisons, dans lesquelles les choix de société, les considérations politico-idéologiques priment souvent sur les raisonnements économiques...

Baisser la dépense, un bon objectif ?

Tout d'abord, il existe des arguments pour contester l'idée même d'une baisse des dépenses. Premièrement, dire que 56% du PIB, c'est beaucoup trop en comparaison avec les autres pays, n'a qu'une signification limitée. Le poids des dépenses publiques correspond pour beaucoup à des choix de société, avant tout pour ce qui concerne les assurances (maladie, vieillesse). Veut-on une assurance-maladie universelle, gérée par la sphère publique, ou laisser ce secteur au privé, comme le font, par exemple les États-Unis, pour l'essentiel? Dans le premier cas, la dépense publique s'en trouvera alourdie, dans le second, allégée. Cela ne veut en aucun cas dire que les contribuables auront moins à payer : l'assurance-maladie qu'offrent les entreprises américaines prospères à leurs salariés leur coûte beaucoup plus cher que ce que paient les entreprises françaises, même celles qui ont prévu une mutuelle complémentaire.
En Grande-Bretagne, le poids des retraites dans la dépense publique est infime, car elles ne représentent qu'un filet de sécurité... A charge pour les futurs retraités de cotiser à un fonds de pension. Un cas similaire existe outre-Rhin : 8 millions d'Allemands ne sont pas affiliés à l'assurance-maladie publique et dépendent uniquement d'un régime privé. Il est plus aisé, dans ces conditions, de réduire les dépenses publiques de santé...En outre, histoire oblige, les Allemands consacrent moins de milliards à leur défense. Quant à l'absence d'école maternelle outre-Rhin, elle contribue largement à la faiblesse relative des crédits en faveur de l'éducation.
En second lieu, la dépense publique est toujours examinée en proportion du PIB. Ce qui peut fausser la perception. À l'évidence, à dépense constante, un pays affichant une forte croissance économique pendant plusieurs années pourra mettre en avant une diminution de sa dépense (en pourcentage de la richesse nationale), tandis que son voisin englué dans la stagnation sera accusé de dépenser trop. Le cas suédois est symptomatique : en apparence, la dépense y a chuté, tombant de 68% du PIB en 1994 à 52% aujourd'hui. En réalité, si l'on considère les milliards de couronnes dépensées, il y a seulement stabilisation, puis hausse modérée. C'est le PIB qui a enregistré une forte croissance, dopé en sortie de crise, au début des années 1990, par un boom des exportations, rendu possible par une dévaluation massive de la devise suédoise.

Le sujet tabou de la protection sociale

Pour autant, le sujet d'une meilleure gestion de la dépense publique ne peut être évacué. Des économies sont possibles, permettant au moins de ralentir sa progression, comme ont pu le faire les pays du Nord de l'Europe. À condition de remettre en cause certains tabous, devant lesquels les gouvernements français ont toujours reculé.
Ainsi, les prestations sociales sont, pour l'essentiel, à l'origine de la hausse du poids de la dépense publique depuis trente ans. Sont-elles toutes légitimes? Les partisans d'économies sur la dépense ne manquent pas d'arguments pour suggérer des économies, même si le sujet est brûlant. Ainsi, quand Éric Woerth, alors ministre du Budget, avait émis l'idée d'une gestion plus rigoureuse du système des ALD (Affections longue durée), qui assure un remboursement à 100% des dépenses médicales de tous ses bénéficiaires, le tollé fut immédiat. Alors même que les ALD sont à l'origine de l'essentiel de la croissance des dépenses d'assurance-maladie.
D'autres économies sont possibles, sans affecter la qualité des soins. Ainsi, la Cour des comptes a pointé récemment la hausse exponentielle des dépenses de transport médical (ambulances, taxis) : +63% depuis 2001. Comment justifier une telle explosion?
Plus généralement, la question a été posée par des experts proches du PS, comme Olivier Ferrand, qui a présidé Terra Nova jusqu'en juin, de l'universalité de l'assurance-maladie : doit-on rembourser la même chose à tout le monde, sans prendre en compte les revenus? Question taboue. Tout aussi intouchables, ou presque : les allocations familiales. On se souvient que Lionel Jospin les avait placées sous conditions de ressources. Avant d'enclencher la marche arrière au bout d'un an, devant la grogne des associations familiales.

Un système local par nature dépensier

Pour autant, « le véritable obstacle à la baisse de la dépense, en France, ce sont les 600.000 élus locaux ». Cet expert de Bercy peste, de manière pas vraiment politiquement correcte, contre la tendance dépensière des collectivités locales. Les élus sont-ils en cause? D'une certaine manière en défendant tous leur parcelle de pouvoir, et donc leur capacité à dépenser. En tout cas, les structures le sont. Les repenser en profondeur sera difficile à faire adopter par le parlement : les députés et sénateurs sont autant d'élus locaux.
Évoquant la création des communautés de communes et d'agglomérations, le président du groupe socialiste au Sénat et maire de Dijon, François Rebsamen, avait eu l'occasion de mettre en avant « le génie français consistant à créer de nouvelles entités aptes à dépenser plus ». De fait, entre l'intention initiale qui a présidé à la création de ce nouvel échelon - rationaliser les politiques communales - et le résultat, il y a un hiatus. La Cour des comptes en avait fait ses choux gras. Ainsi, quand a été créée la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, regroupant dix-huit communes, certains employés municipaux marseillais ont refusé de rejoindre cette nouvelle entité, à laquelle leurs missions étaient transférées. Les élus ont résolu le problème en... embauchant d'autres fonctionnaires.
De fait, aujourd'hui, les départements peuvent mettre en avant le coût des dépenses sociales qu'ils doivent désormais assumer. Mais il est plus difficile aux collectivités locales, considérées globalement, de justifier le rythme d'embauche des agents. Leur nombre a augmenté de plus de 45% depuis 1998, selon les données officielles. Selon le député PS René Dosière, en regroupant les communes et les intercommunalités, « deux niveaux qui fonctionnent de manière autonome », il serait possible d'économiser à terme 15 à 20 milliards d'euros...

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