Fabrice Demarigny : "Notre mission consiste à harmoniser l'application des textes existants"

Le conseil des ministres de l'économie et des Finances (Ecofin) du 5 mai a encouragé le Comité européen des régulateurs de valeurs mobilières (CESR) à développer une culture commune de la régulation. Créé en 2001, le CESR joue un rôle de conseiller technique auprès de la Commission dans la rédaction des directives et des règlements en matière financière. Il a aussi vocation à harmoniser l'application de ces textes par les régulateurs. L'écofin vient de l'autoriser à mettre en place de nouveaux outils pour mener à bien sa mission. Dans un entretien à La Tribune, Fabrice Demarigny, secrétaire général du CESR, en explique les enjeux.Le secteur de la gestion d'actifs estime indispensable d'harmoniser la régulation financière en Europe. En quoi cette décision de l'écofin peut-elle favoriser cette harmonisation ?- C'est une étape historique pour le CESR. Au cours de nos quatre premières années d'existence, nous avons essentiellement réalisé un travail normatif en coopération avec la Commission européenne.Puis, au début de l'année dernière, nous avons publié un rapport intitulé "Himalaya" afin d'attirer l'attention des institutions européennes sur la nécessité d'harmoniser l'action des régulateurs au sein d'un marché financier intégré. Ce rapport contenait plusieurs propositions. Alors que nos efforts se concentrent désormais sur l'application harmonisée des directives dans les États membres, le conseil écofin a pris très au sérieux nos observations et a décidé de nous donner l'appui politique nécessaire pour mener à bien ces travaux. C'est un signal fort.Le rapport "Himalaya" de 2004 était plus ambitieux puisqu'il proposait notamment d'allouer au CESR le pouvoir de prendre des décisions individuelles. Pourquoi les ministres des Finances n'ont-ils pas été jusqu'au bout de vos propositions ?- Ce rapport s'inscrit sur une durée de cinq ans. Obtenir un an après sa publication une déclaration aussi précise et positive de l'écofin constitue une avancée significative. Il est vrai que nous avons évoqué toutes les possibilités dans notre rapport, y compris celle de pouvoir prendre des décisions paneuropéennes individuelles dans certains domaines. Mais les ministres ont jugé qu'à ce stade le besoin d'une telle réforme n'était pas encore suffisamment avéré. Cela étant, ils ont précisé que le comité spécialisé en matière financière allait devoir suivre de très près l'évolution des marchés et proposer éventuellement des réformes législatives si elles s'avèrent nécessaires. C'est une approche pragmatique et évolutive qui nous convient tout à fait.Quels sont actuellement les pouvoirs de CESR pour harmoniser le secteur de la gestion d'actifs, sachant que celui-ci est hors du processus Lamfalussy ?- La troisième réforme de la directive OPCVM s'est conclue en effet deux mois avant que le comité Lamfalussy n'achève ses travaux. C'est un accident de l'histoire qui a eu pour effet d'exclure les directives OPCVM de cette flexibilité nouvelle qui permet d'adopter rapidement des règles d'application des directives. Résultat, nous sommes face à un texte mal commode, modifié à plusieurs reprises, très touffu, compliqué àmettre en oeuvre et n'offrant à la "comitologie" qu'un champ très réduit. Cette faible marge de manoeuvre permet malgré tout de préciser le sort de certains actifs éligibles. Par ailleurs, nous tentons aujourd'hui de simplifier les notifications transfrontalières. En principe, dans les directives sur les services financiers, les notifications se font entre autorités. Mais la directive OPCVM prévoit encore un système dans lequel un OPCVM agréé dans un État membre doit saisir lui-même les autres autorités. Les régulateurs concernés sont alors souvent tentés de ré-instruire le dossier. Nous essayons donc de simplifier la procédure et nous venons de publier une seconde consultation le 5 mai. Mais il est vrai que nous ne pourrons pas aller beaucoup plus loin que ce qu'autorise le texte de la directive. Or les sujets nécessitant des clarifications sont nombreux. C'est pourquoi nous serions très favorables à ce que les directives OPCVM entrent dans le champ de la procédure Lamfalussy.Puisque tout le monde semble d'accord sur la nécessité d'intégrer les OPCVM au processus Lamfalussy, pourquoi la décision tarde-t-elle autant ?- La Commission européenne a initié l'an dernier une réflexion générale sur la gestion d'actifs avec la publication de son livre vert, qui va devenir un livre blanc. Il faut désormais que le commissaire européen tire les conclusions des réponses reçues à la suite de la consultation sur le livre vert pour décider des réformes à mettre en oeuvre. Cela prend forcément du temps.Dans sa réponse à la consultation sur le livre vert, l'AMF a souligné qu'un certain nombre de réformes souhaitées par l'industrie de la gestion d'actifs ne pourraient pas intervenir tant que l'action des régulateurs ne serait pas harmonisée. La décision d'écofin résout-elle cette difficulté ?- Il faut effectivement comprendre les conclusions de l'écofin comme un encouragement de la part des ministres des finances européens à converger dans nos méthodes et nos moyens de supervision, ce qui va dans le sens des souhaits de l'AMF ainsi que de nombreux acteurs. Cela étant, les évolutions souhaitées par l'industrie de la gestion d'actifs nécessiteront certainement en parallèle des réformes des textes législatifs européens. Il faut être réaliste sur ce que l'on peut accomplir par la simple coopération des régulateurs. Notre mission consiste à harmoniser l'application des textes existants, nous ne pouvons pas nous substituer au législateur. C'est à la Commission qu'il appartient de déterminer, au terme de ses travaux, s'il convient d'opérer des modifications législatives et, si oui, lesquelles. Nous aurons sans doute un début de réponse d'ici à la fin de l'année.Propos recueillis par Olivia Dufou
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.