« Dans les années 60, aucun Noir n'aurait songé à être candidat »

Propos recueillis par Eric CholUn candidat noir aux portes de la Maison-Blanche, c'est historique?? Un leader politique noir américain en situation d'être élu ne constitue pas en soi une nouveauté : il suffit de voir les exemples de Chigaco, Washington, Philadelphie, ou de La Nouvelle-Orléans. Mais l'arrivée de Barack Obama aux portes de la Maison-Blanche marque l'achèvement d'un processus, entamé il y a quarante ans, avec la bataille des droits civiques. Ce processus a eu des effets positifs mais aussi négatifs. Positifs avec l'émergence d'une classe moyenne et d'une élite noires, mais négatifs car les plus démunis ont sombré davantage dans la pauvreté. Il n'y a rien de pire que d'être un Noir pauvre aux États-Unis?!Vous faites allusion aux effets positifs des mesures de l'« affirmative action » (discrimination positive) mises en place aux États-Unis : Barack Obama en est-il l'illustration??Il est d'abord le fruit de la méritocratie, un homme politique brillant, qui a été élu par ses pairs à la tête de la Harvard Law Review. Obama est d'abord un homme politique extrêmement talentueux. Le paradoxe, c'est qu'il a dû gérer le fait d'être un talent noir, et donc faire face à la fois à des préjugés racistes, mais aussi à des attentes très fortes de la part de la communauté afro-américaine. Il n'est pas le porte-parole de l'« affirmative action » : au contraire, il sera peut-être même celui qui mettra fin à ce type de mesures, de plus en plus contestées. Il a en effet compris que celles-ci ont fait basculer toute une catégorie de Blancs défavorisés vers le Parti républicain, et il souhaite les récupérer dans le giron du Parti démocrate. Certes, les programmes de discrimination positive ne vont pas s'éteindre du jour au lendemain. Il ne faut pas oublier que, grâce au mécanisme de « l'affirmative action », on a vu la formation d'une élite noire dans tous les grands corps nationaux. C'est ainsi que, dans l'armée américaine, il y a de nombreux généraux noirs, ce qui n'est pas le cas en France. Mais pourquoi cette candidature noire à l'élection présidentielle est-elle une rupture?? Paradoxalement, elle constitue à la fois une rupture et une consécration. Quand, dans les années 60, les Noirs américains ont obtenu les droits civiques, ils ont immédiatement pesé de façon non marginale dans le corps électoral, représentant entre 10 % et 15 % des votes en général, mais beaucoup plus dans certaines circonscriptions, lesquelles ont élu immédiatement des représentants de couleur. Mais à l'époque, aucun candidat noir n'aurait songé à se présenter à l'élection présidentielle?! Quarante ans plus tard, les États-Unis sont sortis de la ségrégation. Et cette élection présidentielle, en achevant un processus né au début des années 60, marque une rupture avec l'histoire américaine des deux derniers siècles, dans laquelle racisme et république étaient mêlés. N'oubliez pas que l'esclavage avait été intégré dans la Constitution américaine d'origine, et que la ségrégation qui en a suivi figurait au c?ur de l'histoire constitutionnelle, politique et sociale des États-Unis. Barack Obama n'est-il pas une réponse à la crise économique??Sa candidature piétinait en septembre, juste après la convention républicaine. Mais la crise financière et économique l'a relancé en l'incitant à adopter un programme beaucoup plus social-démocrate qu'au début de la campagne.
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