Gazprom veut faire payer l'Union européenne

EntretienGazprom ne fera pas de cadeau à l'Ukraine lors de la prochaine crise de livraison de gaz qui s'annonce. « Si l'Ukraine ne paie pas une mensualité, nous exigerons immédiatement, selon les termes de notre accord de janvier dernier, qu'ils paient 100 % du gaz avant livraison », a déclaré hier le président de Gazprom, Alexeï Miller, lors d'un entretien avec « La Tribune » et d'autres médias européens. Le chef du grand fournisseur russe de gaz émet des doutes sur la solvabilité de l'Ukraine constatant que Kiev a réglé sa facture de gaz de mai dernier à Gazprom « de façon non orthodoxe : en puisant dans les réserves de la banque centrale ukrainienne ». Une façon pour lui de pousser les pays consommateurs européens à contribuer à une solution pour éviter que la crise de janvier dernier, « qui a causé une perte financière de plus de 2 milliards de dollars à Gazprom », ne se répète. « J'espère dans la création d'un consortium commun entre l'Union européenne et la Russie pour aider à financer les livraisons de gaz européennes. » Une façon pour le géant gazier russe d'appuyer l'idée soumise au sommet européen des 18 et 19 juin que Russes et Européens se partagent la facture ukrainienne de gaz. « Le problème le plus délicat est la situation financière de Naftogaz [compagnie ukrainienne de gaz] : il lui manquerait 4,2 milliards de dollars pour pouvoir remplir ses capacités de stockage de 19,5 milliards de mètres cubes de gaz pour l'automne et l'hiver prochains », estime Alexeï Miller. Le Russe a prévu d'en discuter dans quelques jours avec le patron de Naftogaz. Gazprom fait état « d'une forte chute dans les prélèvements de gaz » de la part de l'Ukraine : « la semaine dernière, ils ont prélevé 90 millions de mètres cubes par jour et mardi dernier, le volume s'était réduit à 20 millions », révèle Alexeï Miller. Entre-temps, Gazprom travaille à la construction des deux gazoducs qui lui permettront d'éviter à l'avenir le territoire ukrainien : « Le gazoduc Nord Stream, établissant un lien avec les systèmes de transport de gaz de l'Allemagne et de l'UE sans pays de transit [à travers la mer Baltique, Ndlr], sera opérationnel en 2011. » Quant au South Stream, le gazoduc devant relier les rives russes de la mer Noire à la Bulgarie pour une capacité de 63 milliards de mètres cubes par an, « il sera opérationnel en 2015 », assure Alexeï Miller, soulignant que « la crise financière n'aura pas d'impact sur ce projet, une des priorités de Gazprom ». l'impact de la crise Le chef de Gazprom assure que South Stream n'est pas en concurrence avec le gazoduc Nabucco, soutenu par l'UE et devant fournir du gaz d'Asie centrale en évitant le territoire russe (voir ci-contre). Mais l'impact de la crise que redoute réellement Alexeï Miller est la baisse des investissements, faute de financement causé par la chute du prix du pétrole, dans l'exploration et la production d'hydrocarbures, déjà de 20 % cette année. « Si cela devait persister durant trois ou quatre ans, les effets sur le marché seraient très négatifs », avertit-il. « Si le prix du pétrole demeure aussi volatil que durant l'année écoulée, beaucoup de gisements, dont le marché a besoin, resteraient inexploités », indique-t-il, sans vouloir préciser quels projets de Gazprom seraient ainsi hypothéqués. Et de dessiner un scénario sombre pour la sortie de la récession : « Quand l'économie mondiale commencera à sortir de la crise, le secteur du pétrole et du gaz sera incapable de soutenir cette dynamique positive par une offre suffisante. » Son pronostic pour le prix du baril de pétrole est de 85 dollars à la fin de cette année, 100 dollars en 2010 et même « au-dessus de la barre des 250 dollars en 2012, seuil que nous avions prévu il y a un an ». Gazprom soutient en ce sens l'idée du groupe pétrolier contrôlé par l'État italien, l'ENI, de créer une agence mondiale du pétrole (GEA) réunissant pays producteurs et consommateurs, notamment les pays émergents, pour « la stabilité du marché du pétrole ». Pour soustraire le marché du pétrole aux variations des changes, Alexeï Miller plaide pour un paiement « multidevise ». De quoi secouer les cotations du dollar. n Le baril de pétrole sera autour de 100 dollars en 2010 et  au-dessus de la barre des 250 dollars en 2012.
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