Une contre-révolution fiscale

En matière de fiscalité, le vent nouveau vient toujours de l'Atlantique. Du monde anglo-saxon, plus précisément. À quelques jours d'écart, États-Unis et Royaume-Uni ont annoncé un relèvement significatif du taux marginal de l'impôt sur le revenu ? celui qui frappe les ménages les plus fortunés. Il passera de 35 % à 39,6 % en Amérique l'année prochaine, et de 40 % à 50 % chez les Britanniques. Il ne s'agit pas tant de combler ainsi les énormes déficits budgétaires de ces deux pays, car les recettes seront maigres. Les gouvernements espèrent plutôt rétablir ainsi une « justice » fiscale que les circonstances économiques et politiques demandent. Au beau milieu d'une crise qui a révélé la forte augmentation des inégalités et la faillite du système financier, il faut faire payer les riches. C'est ce que demande l'opinion. Et c'est nouveau. Cette inflexion interrompt une longue période où les taux marginaux avaient diminué partout, parce que politiques et économistes considéraient qu'il fallait stimuler la création de richesses.marche à reboursEn favorisant les plus fortunés, cette fiscalité clémente profitait à la collectivité entière. C'est au moins ce que l'on croyait jusqu'à la crise, qui a décrédibilisé ? probablement de façon excessive ? l'initiative privée, et au contraire réhabilité l'État, la régulation et la redistribution. Curieusement, ce sont les pays réputés les plus libéraux, États-Unis et Royaume-Uni, qui amorcent les premiers cette marche à rebours. Tout comme ils avaient, les premiers, nationalisé les banques en difficulté, dès novembre 2007 avec la mise sous tutelle de Northern Rock.Il y a trente ans, ces deux pays avaient déjà été précurseurs, en inaugurant la révolution libérale, avec l'élection de Margaret Thatcher en 1979 et celle de Ronald Reagan en 1980. Leurs initiatives d'aujourd'hui ouvrent probablement une contre-révolution fiscale, tant pour les particuliers aisés que pour les grandes entreprises, qui avaient le plus profité des baisses d'impôts et des dégrèvements divers. L'Europe continentale y viendra immanquablement dans quelques mois ou quelques années, comme elle avait suivi le précédent cycle avec un peu de retard. La France étant toujours la plus réticente au changement, comme en témoignent ? pour combien de temps encore ? ? les déclarations de Sarkozy proscrivant toute hausse d'impôt.Sur une longue période, les variations du taux marginal américain, qui reflète peu ou prou la tolérance de nos sociétés vis-à-vis des inégalités et de la richesse, sont impressionnantes. Cette tolérance s'est affaissée après la crise des années 1930 et la guerre, ce qui s'est traduit par une forte charge fiscale pesant sur les riches. Le mouvement s'est inversé dans les années 1980. Pourrait-on revoir des taux marginaux de 80 % ou 90 % ? À l'époque, le monde était fragmenté par les frontières, ce qui n'est plus le cas : hommes et capitaux sont mobiles. Mais la pression sur les paradis fiscaux pour qu'ils lèvent le secret bancaire signale que le rapport de force entre la « viande à taxer » et les gouvernements est en train de s'infléchir. n
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