L'éradication de la pauvreté extrême est possibleAujourd'hui, un milliard d'individus vivent dans le plus grand dénuement?: manque de nourriture, d'eau potable, absence de soins médicaux, d'éducation? Chaque année, 16 millions en meurent, dont 10 millions d'enfants. Pourtant, face à cette situation intolérable, la grande majorité des citoyens des pays riches font preuve d'indifférence. Dans « Sauver une vie », le philosophe australien Peter Singer, professeur à Princeton, montre la nécessité de changer d'attitude, sans stigmatiser ni culpabiliser mais en faisant appel à la raison.Lors du sommet du G20, qui s'est tenu à Londres en avril pour apporter une réponse à la crise économique mondiale, figurait sur l'agenda la lutte contre la pauvreté. En effet, ces dernières années, ce fléau a été considérablement réduit. La Banque mondiale estime que nous sommes passés sous la barre du milliard de personnes vivant dans l'extrême pauvreté. Pour la première fois dans l'histoire, grâce à l'augmentation de la richesse mondiale créée par les entreprises à travers le monde, l'idée d'en finir dans les prochaines décennies avec ce fléau et son cortège de malheurs est apparue réaliste. Car nous avons les moyens matériels de supprimer une situation insupportable qui chaque année se solde par la mort de 18 millions d'individus dont plus de la moitié ? 10 millions ? sont des enfants en bas âge. Si la crise risque de remettre en cause l'action menée, il n'en reste pas moins que chacun d'entre nous, quelle que soit sa situation, peut agir, à la condition de changer d'attitude.C'est à ce point que s'attache le philosophe australien Peter Singer dans son ouvrage « Sauver une vie ». « Mon objectif est de vous convaincre que vous pouvez et devez agir davantage en faveur des déshérités », avance-t-il. Sans juger, sans stigmatiser, il nous pousse dans nos derniers retranchements en nous rappelant que « la liberté d'agir ne règle pas la question de la valeur des actes ». Pour ce faire, Singer passe en revue tous les aspects du problème?: moraux, économiques, psychologiques, politiques? Il puise aux meilleures sources son information?: études statistiques et économiques, enquêtes de psychologues, réflexions sur la nature humaine, multiplie les exemples concrets, les témoignages. Il répond aux objections courantes?: pourquoi donner la priorité aux populations déshéritées d'autres pays plutôt que de lutter contre les inégalités dans notre pays, ou sur la nature égoïste inhérente à l'individu, ou encore sur l'efficacité des organisations investies dans l'aide humanitaire.Le fait que Singer soit philosophe pourrait susciter quelques doutes quant à sa capacité à traiter un problème aussi grave et qui plus est demande des solutions concrètes. Mais le titulaire de la chaire de bioéthique de l'université de Princeton (États-Unis) est l'un des grands noms de ce qu'on appelle « l'éthique appliquée » qui cherche à savoir comment agir moralement en faisant appel à la raison et non à un argument d'autorité philosophique ou religieux.De réputation mondiale, Peter Singer reste peu connu en France. Adepte de l'utilitarisme de Jeremy Bentham et John Stuart Mill, philosophie qui se caractérise par une éthique dont l'action vise à maximiser le bien-être du plus grand nombre d'individus et évalue les actes selon leurs conséquences et non leur intention, Singer suscite le débat. Son premier ouvrage, « la Libération animale », montrait que la façon dont nous traitions les animaux dans les sociétés modernes soulevait des questions morales profondes. Depuis, il ne cesse de remettre en cause le bien-fondé de nos attitudes en particulier sur les questions de bioéthique. Mais le succès de cet humaniste repose aussi sur sa capacité à expliquer dans un style clair et argumenté nombre de problèmes concernant chacun d'entre nous. « Sauver une vie » le confirme?: montrer combien nos gestes, surtout les moindres, ont une portée bien plus grande que celle que nous pensons.Robert JulesPeter Singer « Sauver une vie. Agir maintenant pour éradiquer la pauvret頻, éd. Michel Lafon, 237 pages, 17,95 euros.d

latribune.fr

28 Mai 2009, 1:37

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