Lauréat 2008 du prix Marcel-Duchamp, l'artiste présente au C...

Laurent Grasso, archéologue de l'imaginaireDans l'atelier de Laurent Grasso, sur les étagères de sa bibliothèque, on repère quelques livres d'art. Pas trop. On trouve en revanche beaucoup de romans. Don DeLillo, Will Self, Thomas Pynchon, Mark Z. Danielewski? Des auteurs qui ont en commun de scruter le réel pour y déceler les zones qui le font basculer dans le fantastique. « La fiction ne m'intéresse pas en elle-même, explique l'artiste, ce qui me plaît c'est d'étudier les moments où elle se mêle au réel, où une mythologie prend corps. » Ces instants d'équilibres instables, Laurent Grasso les exprime à travers des gravures, des installations ou des vidéos qu'on peut retrouver à la galerie Chez Valentin qui le représente depuis 2001. S'il faudra débourser quelques centaines d'euros pour les plus petites pièces, il faudra compter entre 15.000 et 25.000 ? pour une vidéo, et jusqu'à 150.000 ? pour une installation néon comme celle qui est exposée actuellement au Hunter College de New York (des néons bleus formant les mots « Day for night » qui se révèlent la nuit tombée).Nul doute que la cote de l'artiste de 37 ans a grimpé de plusieurs échelons depuis qu'il a reçu, fin 2008, le prestigieux prix Marcel-Duchamp qui honore chaque année un jeune artiste français. La vidéo « Sans titre » qui lui a valu cette distinction montre un paysage désertique duquel émerge un énorme bloc de roche. La pierre s'élève lentement quelques instants dans les airs, comme animée par un pouvoir de télékinésie, avant de retrouver sa place originelle. Une image qui renvoie à tout un univers de science-fiction, qui a autant à voir avec la science qu'avec la fiction.Films hypnotiquesVisuellement superbes, souvent hypnotiques, les films de Laurent Grasso savent susciter tout un imaginaire dans la tête des spectateurs. Sa vidéo « l'éclipse » montre ainsi un phénomène naturellement improbable recréé par ordinateur : la conjugaison d'une éclipse et d'un coucher de soleil. Si l'image en elle-même est déjà impressionnante, son intérêt réside encore ailleurs. « Une rumeur circulait durant les années 1950, selon laquelle l'armée américaine détenait une technologie capable de créer de faux miracles dans le ciel afin de renforcer la foi contre le communisme », raconte l'artiste friand d'anecdotes qui touchent aux domaines de la paranoïa, du flou entre le vrai et le faux ou des technologies cherchant à repousser les frontières du possible.Comme chaque lauréat du prix Marcel-Duchamp, Laurent Grasso a été invité à exposer à l'Espace 315 du Centre Pompidou. Encore en plein travail dans son atelier, l'artiste sait déjà qu'on y verra une antenne que Nikola Tesla avait construite pour tenter de produire du courant électrique à distance, ainsi qu'un dispositif, inventé en 1959 et baptisé « Horn antenna », qui aurait capté des sons venus tout droit du big-bang. « Beaucoup d'artistes contemporains utilisent des références à l'art moderne dans leurs ?uvres. Je préfère, pour ma part, me servir des faits historiques en dehors du domaine artistique », fait savoir Laurent Grasso qui, comme un archéologue, explore les traces du passé pour y trouver des résonances avec notre présent. L'une de ses dernières trouvailles sur Internet : le collectif Firstsounds composé de passionnés d'archives sonores. « C'est grâce à eux que l'on a retrouvé le plus ancien enregistrement de la voix humaine, 17 ans avant le phonographe de Thomas Edison », s'enthousiasme-t-il. Parions que cette découverte sera le point de départ d'une prochaine ?uvre excitante.Olivier Le Floc'h
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