L'organisation de primaires ouvertes permettra-t-elle à la gauche de reconquérir le pouvoir  ?

Pierre MOSCOVICIOUICela donnerait une légitimité et un soutien puissant au candidat de la gauche pour 2012Lorsqu'un parti, comme le Parti socialiste aujourd'hui, n'a pas de candidat naturel qui s'impose et que ses règles de fonctionnement ne permettent pas d'en faire émerger un, il est indispensable de changer de procédure. Le choix du premier secrétaire du parti au Congrès de Reims s'est fait par un vote des militants si serré qu'il en est devenu contestable et contesté. Élargir le corps électoral qui choisira le candidat à l'élection présidentielle de 2012 présente plusieurs avantages dans la conquête du pouvoir : d'abord, que 3 à 4 millions de Français choisissent le candidat de la gauche conférera à ce dernier une légitimité et un soutien puissant. En particulier, les primaires fournissent un vivier de militants et d'activistes décisif pour engager la campagne. Ensuite, on l'a bien vu aux États-Unis avec l'élection de Barack Obama, elles permettent le renouveau politique en faisant émerger des outsiders. Elle permettrait enfin de réunifier la gauche face à une droite de plus en plus unie. Bien sûr, encore faut-il que ses modalités le permettent, car l'organisation de primaires ouvertes à toute la gauche ne va pas de soi. Elle présente plusieurs difficultés, notamment dans un scrutin majoritaire à deux tours, et lorsque plusieurs sensibilités se distinguent au sein de la gauche. Alors, faut-il l'ouvrir à toute la gauche, et où s'arrête celle-ci ? En particulier, faut-il intégrer les sympathisants du Modem, un parti issu de la droite dont le président est obsédé par la présidentielle ? Il n'y a de primaire efficace que si chacun y consent, et joue le jeu. Aussi me parait-il plus probable que les primaires se limitent aux sympathisants socialistes. Par une procédure très transparente et organisée, reposant notamment sur la signature d'une charte marquant l'adhésion aux valeurs communes de gauche, on pourra éviter les biais de la procédure. Mais, il ne faut pas se leurrer, l'organisation de primaires n'est pas une panacée : sans projet politique fédérateur, elle se résumerait à une démocratie d'opinion comme à un spectacle qui nous mènerait à la défaite. Elle doit donc s'accompagner d'une refondation intellectuelle et morale profonde, permettant la création d'un corpus commun à toute la gauche. La gauche doit donc avant tout entreprendre un travail de fond, l'organisation de primaires ne pouvant en tout état de cause se discuter avant les prochaines élections régionales, soit à la mi-2010. nCette semaine, la Fondation Terra Nova, un think tank proche du PS, a lancé un appel de 100 personnalités, publié dans le journal « Libération », en faveur de l'organisation de primaires ouvertes à toute la gauche pour le choix du candidat à l'élection présidentielle de 2012. Publié à la veille de l'université d'été du PS, qui se tient depuis hier à La Rochelle, cet appel a contraint la première secrétaire, Martine Aubry, a en accepter le principe. Seulement, chacun s'interroge sur l'efficacité pour la conquête du pouvoir d'une procédure complexe, aux biais multiples. propos recueillis parValérie SegondNONDaniel COHN-BENDITSans manifeste commun et juste distribution des sièges au Parlement, cela ne marchera pasPour permettre de conquérir le pouvoir, l'organisation de primaires doit remplir plusieurs conditions qui ne sont à l'évidence pas réunies aujourd'hui. Elle ne peut en aucun cas se résumer à un rassemblement d'appareils de parti. En vérité, elle ne fonctionne que si elle part d'un cadre parfaitement défini, dans lequel la gauche et les autres forces d'opposition à la fois écologiques, sociales et démocratiques, peuvent se retrouver. En 1981, il y eut le programme commun regroupant les socialistes, les communistes et les radicaux de gauche. En 1997, pour la bataille des législatives, la gauche plurielle conçut un programme auquel purent adhérer outre le PS et le PCF, les Verts ainsi que le Mouvement des citoyens de Jean-Pierre Chevènement. Aujourd'hui, pour espérer revenir au pouvoir en 2012, il faudrait pouvoir créer un nouveau rassemblement des forces d'opposition, sur la base d'un « manifeste de l'espérance » qui soit à la fois écologique, social et démocratique. C'est précisément ce qu'à fait Europe Écologie pour aborder les dernières élections européennes. Cela permettrait aux citoyens d'adhérer à un véritable programme de transformation qui serait validé par des signataires dotés d'une double appartenance selon leur affiliation d'origine. C'est bien l'ensemble des adhérents à ce manifeste commun qui formerait le corps électoral pour choisir le candidat du rassemblement. Seulement, il y a une autre condition pour que cela marche : les primaires ne peuvent se focaliser sur la seule désignation du candidat à la présidentielle, comme le fait aujourd'hui l'appel de Terra Nova. Il ne faut pas oublier que la conquête du pouvoir se joue à deux niveaux institutionnels : à l'Élysée comme au Parlement. Aussi, un rassemblement autour d'un programme et d'un candidat ne pourra se faire que si les circonscriptions ont été au préalable justement réparties entre les différents mouvements d'opposition. Il ne saurait être question que le PS, en se réservant la plupart des circonscriptions lors des législatives, adopte un rôle hégémonique qui marginaliserait ses alliés. On le voit, pour bien fonctionner, les primaires doivent être véritablement ouvertes, ce qui est un processus extrêmement complexe qui se joue à plusieurs niveaux. Clairement, nous n'y sommes pas : aujourd'hui, tout le monde au PS se focalise sur la présidentielle, sans même avoir abordé la question du contenu du programme.
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