Laurent Joffrin, le nouveau timonier de " Libération "

Navigateur confirmé et passionné, Laurent Joffrin n'a pas hésité à prendre la barre de Libération. Malgré - et peut-être même à cause de - l'avis de tempête qui met en péril depuis des mois l'avenir du quotidien, le journaliste a quitté sa place confortable de numéro un du Nouvel Observateur pour celle plus risquée de patron de Libération. Mais, une fois les voies d'eau colmatées, il s'agit de montrer le cap." Maintenant, c'est à l'équipe de prouver qu'elle peut faire un journal plus attractif et plus vendeur, estime Laurent Joffrin. C'est maintenant que les ennuis commencent..." Le nouveau PDG du titre doit tenir les objectifs annoncés par Édouard de Rothschild, son premier actionnaire depuis 2005 : après 12 millions d'euros de pertes l'an dernier, Libé vise le retour à l'équilibre fin 2007 et des premiers bénéfices en 2008... Pour y arriver, le site Internet doit passer à la vitesse supérieure, il faut " trouver une nouvelle relation avec le lecteur, réaffirmer ses engagements sociaux et culturels et démontrer qu'on peut faire de "Libération"une entreprise multimédia ", estime Laurent Joffrin. Libé repart de l'avant. Avant l'été, il s'offrira une nouvelle formule. L'actualité présidentielle devrait l'aider à doper ses ventes.NOUVEL ACTIONNAIREMême s'il affirme haut et fort qu'il n'est pas " l'homme de Rothschild ", le premier actionnaire du quotidien, Laurent Joffrin devra faire le sale boulot commandé par le banquier qui en appelle à " la vraie rupture avec l'époque de Serge July ". Après le plan de départ volontaire qui a concerné 50 personnes il y a tout juste un an, il s'agit aujourd'hui de réduire les effectifs de 76 personnes (sur 276 salariés). Joffrin est déjà arrivé à convaincre les salariés de renoncer à leur fameux droit de veto sur les grandes décisions de la vie du journal. Les salariés exclus de la gouvernance, le quotidien a pu accueillir de nouveaux actionnaires.C'est enfin une vraie bonne nouvelle qui est tombée le 4 janvier à Libé : Carlo Caracciolo, 81 ans, cofondateur de La Repubblica et richissime homme de gauche, investit 5 millions d'euros sur ses propres deniers pour prendre 33,3 % du capital du journal. Et, se réjouissent les syndicats, ce professionnel de la presse " contrebalance sérieusement le poids d'Édouard de Rothschild ". Beaucoup s'interrogent sur le rôle qu'est amené à jouer à terme l'Italien. Certains affirment que son arrivée permettra, l'heure venue, une sortie honorable à Édouard de Rothschild...Pour l'heure, les problèmes de gros sous ne se sont pas évaporés. Publicis, qui assure la régie publicitaire de Libération, a fait vertement savoir qu'il refusait d'abandonner sa créance de 3 millions d'euros aux conditions proposées par l'administrateur judiciaire. Dans une lettre adressée le 5 janvier à Édouard de Rothschild, et dont l'AFP a obtenu une copie, Maurice Lévy, le patron de Publicis, se plaint d'être traité " d'une façon discriminante " !La partie s'annonce serrée pour Laurent Joffrin. Mais il n'arrive pas en terrain inconnu. Il y a dix ans déjà, alors qu'il était numéro un de la rédaction du Nouvel Obs, Serge July, cofondateur et patron de l'époque de Libération, l'appelle à la rescousse et lui confie la direction de la rédaction. La grave crise que connaît alors le quotidien n'est pas sans rappeler celle d'aujourd'hui avec en toile de fond la perte de la sacro-sainte indépendance. En 1996, le groupe Chargeurs (Nicolas Seydoux) prend ainsi le contrôle du titre... en 2007, c'est au tour d'Édouard de Rothschild. Face à un lectorat de moins en moins fidèle, Libé recherchait déjà ses chromosomes de journal de gauche. Laurent Joffrin n'a tenu que trois ans avant de reprendre le chemin du Nouvel Obs." UN ENJEU POLITIQUE ET SOCIAL "Son retour à Libé sous l'ère Rothschild en a donc étonné plus d'un. Proche d'Agnès Touraine, conseillère du banquier qui contrôle le journal avec 38,87 % de son capital, le journaliste a relevé le gant. Quitte à provoquer l'ire d'une partie de la rédaction, Laurent Joffrin se présente en sauveur et déclare à l'occasion de sa candidature que " les difficultés financières et la crise interne de "Libération"" l'ont conduit " à prendre la décision la plus difficile de sa vie professionnelle ". L'homme de gauche ne cache pas également que, à la veille de l'élection présidentielle, c'est " un enjeu politique et social " qui motivait sa candidature. Malgré son air poupon et son physique d'ourson tombé du lit, Laurent Joffrin n'a pas la réputation d'un tendre en termes de gestion.
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