« Nous devons nous inspirer du modèle Airbus dans le ferroviaire »

Louis Nègre, président de la Fédération des industries ferroviaires et sénateur des Alpes-MaritimesVous présidez la Fédération des industries ferroviaires depuis quelques mois. Quel regard portez-vous sur ce secteur ?Nous avons dans notre pays de très belles entreprises, et l'industrie ferroviaire française se situe encore sur le podium mondial. Mais nous sommes face à des mutations très importantes. Pendant longtemps, les systèmes ferroviaires ont été des systèmes nationaux. Nous vivons une ouverture des frontières très forte, la SNCF - historiquement vecteur d'exportation très important pour la France - connaît certaines difficultés en ce moment, et par ailleurs la concurrence asiatique représente une menace de plus en plus importante. Ignorer la montée en puissance de l'Asie, et de la Chine en particulier, serait une grave erreur. Les Chinois sont aujourd'hui présents sur quasiment toute la gamme ferroviaire, tant dans le matériel roulant qu'au niveau de l'infrastructure. Dans les années à venir, ils arriveront en Europe et seront un compétiteur majeur dans le rail conventionnel (trains régionaux, trains de fret, etc.), voire dans la grande vitesse. Il nous faut absolument réagir.Comment les entreprises françaises peuvent-elles réagir ?Il faut miser sur la recherche et l'innovation. Chaque fois que l'industrie française sera capable d'innover, elle trouvera des marchés. Il faut aussi renforcer la filière française, qui n'aura sans doute pas la taille critique face à la Chine. Si l'on peut par exemple créer une filière franco-allemande dans le ferroviaire, nous pèserons à deux plus lourd que seuls et dispersés. En 2006, une déclaration commune entre les deux ministres des Transports de l'époque avait permis de relancer le partenariat franco-allemand. Aujourd'hui, les effets de la déclaration s'estompent.Mais comment créer cette filière franco-allemande ?Nous devons nous mettre tous autour d'une seule table. Je me suis entretenu récemment avec le secrétaire d'État chargé des Transports sur l'idée - qui commence à germer - de créer une grande commission ferroviaire franco-allemande pour doper le moteur. Elle regrouperait l'ensemble des acteurs du secteur : les industriels français et allemands, les opérateurs ferroviaires, les responsables de l'infrastructure, les autorités de régulation, les autorités de la sécurité ainsi que les deux États. Il s'agirait effectivement d'une commission étatique présidée par les ministres des Transports. Les États sont les premiers acteurs du moteur. Sans volonté politique, nous n'y arriverons pas. Pour donner un signal politique fort, cette grande commission pourrait idéalement être annoncée par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, le président de la République et la chancelière ayant bien compris l'intérêt du couple franco-allemand. Nous devons être forts pour exister demain, sinon nous deviendrons les sous-traitants des autres.Quel serait le but de cette commission et quand pourrait-elle être créée ?J'espère que nous pourrons aboutir rapidement. Pour moi, il doit s'agir d'une question de mois. La commission devrait être porteuse pour l'avenir d'une vision très ambitieuse. Elle devrait notamment définir les objectifs majeurs que l'on se fixe à long terme, avec trois axes de réflexion principaux : un projet industriel et stratégique franco-allemand pour la génération à venir qui aurait vocation à s'élargir au niveau européen, l'harmonisation réglementaire et technique, et l'évolution des marchés. Au niveau industriel, il existe déjà un bon modèle stratégique dont on pourrait s'inspirer : celui d'Airbus dans l'aérien. Ce modèle devrait aujourd'hui nous conduire à quelques réflexions collectives.Propos recueillis par Ingrid Seithume
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