L'inflation impose l'armistice dans la guerre des monnaies

Changement radical de décor sur la galaxie monétaire. Le retour de l'hydre inflationniste, en raison de l'explosion des prix des matières premières, a fait taire comme par enchantement les sirènes des dévaluations compétitives. C'est la détente avant l'heure : l'inflation a enterré la hache de guerre monétaire, dont se menaçaient les grands pays émergents et leurs partenaires, par dollar interposé. Elle a fait taire les cinglantes critiques sur le rôle abusif joué par l'étalon monétaire élastique qu'est le dollar, menées par la Chine, le Brésil, l'Inde et autres Russie. Fait taire les partisans des restrictions sur les mouvements de capitaux pour freiner la revalorisation des monnaies croulant sur les flux d'argent spéculatif en quête de rendements. Fait taire enfin les apprentis sorciers du G20 arc-boutés sur la nécessité d'une refonte urgente du Système monétaire international pour rééquilibrer les économies mondiales.Car, dans la lutte contre l'inflation, il n'y a pas quatre chemins que les États puissent emprunter. Seule l'arme des taux de change et celle des taux d'intérêt ont le pouvoir d'empêcher que la pâte dentifrice ne s'échappe du tube sans que l'on puisse lui faire réintégrer son orifice sans graves dommages collatéraux, selon l'allégorie chère à Karl Otto Poehl, le plus charismatique président de la Bundesbank. Banque centrale qui, plus que toute autre, connaissait les vertus d'une monnaie forte comme rempart contre l'inflation importée. En ce début 2011, le maniement de l'arme des taux, qui rend les monnaies plus attractives en augmentant leur rémunération, a fait irruption dans la politique économique des Bric et de leurs grands voisins. Et les banques centrales deviennent de moins en moins interventionnistes sur le marché des changes. Dernière initiative en date : celle de la Russie. Vendredi dernier, la banque Rossii a pris les marchés à contre-pied en relevant son taux directeur, porté à 8 %, pour conjurer une inflation de 9,6 % en glissement annuel. Quelques jours auparavant, le ministre des Finances, Alexei Kudrin, avait déclaré que la banque centrale n'interviendrait pas et mènerait une politique de change « très flexible ». De l'autre côté de sa frontière orientale, la Chine a dû se résoudre à relever ses taux à deux reprises depuis le début de l'hiver et les économistes ne seraient pas étonnées que Pékin desserre un peu cette année l'étau sur le yuan, qui ne s'est apprécié que d'un peu plus de 4 % depuis l'abandon de son arrimage au dollar en juillet. L'Inde, l'autre Bric de la région, a rehaussé le loyer de l'argent à sept reprises depuis début 2010, la Thaïlande et la Malaisie lui emboîtant le pas, suivis le mois dernier par l'Indonésie. En Amérique latine, le tonitruant ministre des Finances du dernier des quatre Bric a mis de l'eau dans son vin. Guido Mantega, qui avait déclaré la guerre monétaire en septembre dernier, a accepté une trêve et... une nouvelle hausse des taux en janvier qui a porté le Selic, le taux directeur, à 11,25 %, l'un des plus élevés du monde, redorant l'attrait du real. Enfin, l'Afrique du Sud, dont le rand est l'une des monnaies les plus performantes du monde depuis un an, a fait une croix sur sa stratégie de détente monétaire, maintenant son taux directeur à 5,5 %.
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