Le Sénégal rêve de devenir une plate-forme régionale

Cinquante ans après le départ des Français, le paysage sénégalais reste marqué par le lourd héritage colonial. Pas seulement en raison des villas cossues qui bordent toujours les rues de certains quartiers de Dakar. Mais aussi parce que les infrastructures tels que le port, l'aéroport, les routes, le théâtre national datent d'avant l'indépendance et ont été conçus pour servir les intérêts français de l'époque. Mais une nouvelle séquence de l'histoire sénégalaise est en train de s'ouvrir. D'une part, « des entreprises hexagonales se retirent du pays ou réduisent la voilure sur place » , affirme un Français qui cite la Saur ou le Crédit Agricolegricole. Mais aussi parce que le gouvernement veut bâtir ses propres infrastructures au service de sa propre stratégie de développement. Le futur nouvel aéroport, baptisé Blaise-Diagne (Aibd), qui doit en principe être mis en service d'ici à 2012, en sera la clé de voûte. « Cet aéroport disposera d'une capacité de 3 millions de passagers et fera du Sénégal le hub aéroportuaire de la sous-région de l'Afrique de l'Ouest », s'enthousiasme Modou Khaya, directeur général de ce projet. Pauvre en ressources naturelles, le pays mise sur l'essor des services, du commerce, de la logistique, du tourisme et de l'industrie. « Au lieu d'aller chercher leur matériel de construction en Chine, les pays africains voisins le trouveront à Dakar », explique Sylla Madior, conseiller au ministère de la Coopération internationale. « Sous les présidences de Léopold Sendar Senghor puis d'Abou Diouf, les bailleurs de fonds freinaient les projets trop ambitieux », se souvient Sylla Madior. À écouter les représentants du gouvernement actuel, tout aurait changé avec l'élection de Abdoulaye Wade à la tête du pays en 2000. « Le développement de l'économie privée a été placée au centre de notre stratégie », assure Aminata Niane, directrice générale d'Apix, une société de promotion des investissements. Même analyse pour Karim Wade, ministre de la Coopération internationale, de l'Aménagement du territoire et des Transports aériens, mais aussi le fils du président sénégalais : « Quand les États africains ont obtenu l'indépendance, beaucoup de pays d'Asie étaient moins avancés que nous et avaient un indice de développement inférieur au nôtre. Aujourd'hui ces pays sont les champions de la croissance ». Avec le futur aéoroport, pour l'instant un chantier dont on aperçoit les grues depuis la route de Saly ou Mbou, le pays compte mieux répartir ses activités et sa population aujourd'hui trop concentrées à Dakar. Son emplacement est proche des zones de pêche, des productions maraîchères ainsi que des lieux touristiques. Une zone économique spéciale doit d'ailleurs être créée non loin afin de stimuler l'industrialisation du pays. Pour accéder rapidement à l'aéroport, une autoroute, la première du pays à péage, doit relier Dakar à Diamniadio, à une trentaine de kilomètres de la capitale. « A terme on réalisera des prolongements allant de Dakar vers le Mali, la Gambie, la Guinée Bissau etc ...», promet Karim Wade.Pourtant, dans le milieu patronal sénégalais, on s'impatiente. « L'implication des entreprises sénégalaises privées dans le développement national n'est pas suffisante », déplore Baidy Agné, président du CNP, le Medef sénégalais, pour qui il faudrait prévoir une participation du secteur privé national dans les concessions accordées aux entreprises étrangères. Selon un expert français, « beaucoup de cadres sénégalais sont revenus au pays pleins d'espoir, mais sont déroutés par le pouvoir ». C'est le cas lorsque le président Wade a renationalisé la Senelec (Société nationale d'électricité) que le gouvernement a rachetée au prix fort au Canadien Hydro-Québec. A cela s'ajoute l'opacité de certaines initiatives. Le dossier MillicomAinsi, le gouvernement doit se défendre sur le dossier Millicom, l'opérateur de télécoms coté au Nasdaq, auquel a été vendue la seconde licence de téléphonie mobile pour 100.000 dollars en 1998. « Ailleurs dans le monde, les licences sont vendues beaucoup plus cher , au Maroc 1,2 milliard de dollars, en Cote d'ivoire 64 millions de dollars», explique Karim Wade. Le gouvernement a obtenu de Millicom un accord pour renégocier le prix en prenant comme référence le prix de la troisième licence dont la vente, après appel d'offres, à Sudatel, s'est conclue ultérieurement pour 200 millions de dollars. « Mais Millicom a refusé de renégocier et de payer aussi cher. Pour faire pression sur le Sénégal, Millicom a mené une campagne de désinformation en faisant croire que nous avons essayé d'obtenir un dessous de table de 200 millions de dollars », assure Karim Wade. « À chaque fois qu'on a porté des accusations contre moi, j'ai intenté un procès pour diffamation que j'ai systématiquement gagné ou apporté des preuves irréfutables qui ont démenti mes accusateurs », se défend -il. L. C., à Dak
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