Le coeur battant de Wall Street passé au scalpel

Lorsque, au printemps 2007, il devenait évident qu'une catastrophe se profilait dans l'immobilier américain, la panique s'empara de Wall Street. Dans un sauve-qui-peut général, les banques se sont empressées de se débarrasser de quantités colossales de produits financiers qui firent leur fortune, mais dont la valeur tendait en réalité vers zéro. En quelques semaines, elles mobilisèrent leurs ingénieurs et leurs traders pour transformer le plomb en or avant de refourguer la marchandise à leurs meilleurs clients. Sans états d'âme. C'est ce jeu de poker menteur à 6.000 milliards de dollars que décrit admirablement « Le Casse du siècle », le nouveau best-seller de Michael Lewis. L'auteur n'est pas un inconnu : il avait déjà dévoilé, en 1989, dans un livre resté célèbre, « Liar's Poker », les excès de la banque Salomon Brothers. À l'époque, l'ancien trader avait voulu faire oeuvre de dénonciation. Son livre est devenu la bible de générations de jeunes traders.Cela n'a pas découragé Lewis de frapper une seconde fois. Son nouveau livre rapporte de façon détaillée pourquoi les banques se sont engouffrées dans l'industrie du subprime et comment elles ont tenté de s'en sortir. La démonstration est brillante. Elle repose sur le récit d'une poignée d'acteurs qui ont anticipé les premiers la chute du marché immobilier et l'effondrement du système. Tous sont des personnages de roman, des marginaux de la finance, comme Michael Burry, ex-interne en neurologie, un autiste qui se plonge des nuits entières dans les documentations des obligations hypothécaires, ou Steve Eisman, patron d'un obscur hedge fund, sans illusion sur la moralité de Wall Street, qui ne cesse de poser la même question aux banques : « Mais comment allez-vous me baiser? ? » Et que dire du « méchant », Gregg Lippman, le trader de la Deutsche Bank, sans foi ni loi, qui joue sa propre carte, parfois contre sa propre banque. Tous ont fait fortune pour avoir cherché à comprendre le marché, ce qui pouvait se cacher derrière des CDO ou CDO synthétiques, véritables usines à fabriquer de la matière première, qui pouvait acheter ces produits, ou pourquoi les banques se mettaient à vendre subitement des assurances contre la baisse du marché. En les mettant en scène de façon magistrale, où l'humour se dispute au cynisme, Lewis parvient à démonter froidement la machine à profits (et à pertes) de Wall Street. Une vérité glaciale et terrifiante. Et c'est sans illusion que Lewis s'interroge : « Pourquoi des gens prendraient-ils des décisions intelligentes s'ils peuvent devenir riches en prenant des décisions stupides ? » Sans doute le meilleur livre jamais écrit sur la crise financière. E. B. « Le Casse du siècle. The Big Short », de Michael Lewis. Sonatine éditions (300 pages).
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