Les entreprises préfèrent les ingénieurs aux docteurs

En France, le docteur est, abus de langage, forcément un médecin. Outre-Rhin, la mention « PhD », pour « docteur », figure en bonne place sur la carte de visite des grands patrons... C'est un fait, le diplôme le plus élevé (Bac +?8) souffre en France d'un manque de reconnaissance. Une étude du Centre d'analyse stratégique (CAS) alimente ce constat en analysant les derniers chiffres du Centre d'études et de recherches sur les qualifications, Céreq (« La Tribune » du 6 avril 2010) : 3 ans après l'obtention de leur diplôme, 10 % des jeunes docteurs étaient sans emploi en 2007 contre 7 % pour les diplômés de master (bac +?5). Ce taux est trois fois supérieur à celui observé dans les pays de l'OCDE. Un paradoxe, souligne l'étude, alors que, comparé aux autres pays de l'OCDE, l'Hexagone ne « surproduit » pas de docteurs. Au contraire. Non seulement, il voit stagner le nombre de ses nouveaux docteurs, alors que leur proportion a progressé de 40 % dans les pays de l'OCDE. Mais en plus, « en pourcentage d'une classe d'âge, la plupart des pays de l'OCDE forment davantage de chercheurs que la France », note le CAS. Système dualAlors, à qui la faute ? À une spécificité bien française : « C'est surtout le sous-investissement en recherche-développement du secteur privé et, dans une moindre mesure, la préférence donnée au ingénieurs pour les postes de recherche qui pèsent sur l'insertion des titulaires de doctorat  », observe le CAS. La coexistence des universités et des écoles a créé un système dual dans lequel la recherche publique donne la préférence aux premières et les entreprises aux secondes. Et vice versa, chacun méconnaissant l'autre. Illustration, selon le Céreq, « 70 % des docteurs veulent travailler dans la recherche académique », ce qui ne favoriserait pas leur insertion professionnelle. D'ailleurs, les jeunes docteurs qui bénéficient d'une bourse Cifre (Convention industrielle de formation par la recherche) trouvent plus facilement un emploi (6 % sans emploi), stable de surcroît, et sont mieux rémunérés.Partant, le CAS formule plusieurs propositions : améliorer l'information sur les besoins de recrutements et sur l'insertion professionnelle des docteurs ; transférer aux pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) la délivrance des diplômes pour mieux coordonner et réguler l'offre de formation doctorale (une proposition de loi sénatoriale a récemment été déposée en ce sens) ; associer davantage les grandes écoles aux formations  ; améliorer la proportion de thèses financées par les entreprises ; et enfin reconnaître le doctorat dans les conventions collectives. Des mesures qui pourraient donner une impulsion supplémentaire aux initiatives déjà prises ces dernières années tant par le gouvernement (réforme des écoles doctorales, contrat doctoral...) que par les universités (lire encadré).
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