Nikita Mikhalkov : « Je tiens à ce qu'un film reste un organe vivant »

Il n'avait pas pensé que son film intéresserait un public étranger. Il y a pourtant dans « 12 », le dernier long métrage de Nikita Mikhalkov en salles mercredi, quelque chose d'universel et de passionnant. Car cette adaptation de « 12 Hommes en colère » de Sidney Lumet brosse le portrait tout en nuance de la Russie d'aujourd'hui à travers les délibérations d'un jury chargé de juger un jeune Tchétchène accusé d'avoir tué son père adoptif russe. Rencontre avec le réalisateur. Pourquoi avoir choisi de raconter la Russie d'aujourd'hui à travers le remake de ce film américain de 1957 ?Mais « 12 » n'est pas un remake. Dans son film, Sidney Lumet souligne la suprématie de la loi sur le système. Mon point de vue est diamétralement opposé. En Russie, la loi existe mais c'est le sentiment de compassion qui prévaut. Comment avez-vous construit vos personnages ?J'ai commencé par dérouler le spectre social russe d'aujourd'hui. Il y a donc parmi mes personnages un nationaliste, un oligarque, un juif, un Caucasien, un artiste, un travailleur. Et c'est à partir de cela que j'ai écrit le scénario. Mais je tiens à ce que le cinéma reste un organe vivant. Je répète beaucoup avec mes comédiens et je tourne dans un ordre chronologique, ce qui permet aux personnages de s'enrichir au fur et à mesure. Il est beaucoup question de racisme et d'antisémitisme dans « 12 »... Cela existe partout et il ne faut surtout pas fermer les yeux dessus mais échanger avec les personnes concernées. C'est le destin des juifs et des Russes de vivre ensemble, alors il faut trouver un terrain d'entente. Rester à s'insulter les uns les autres n'offre aucune perspective. Ou alors autant que celles proposées par les Américains en débarquant en Irak après un attentat et en utilisant la même violence contre les États arabes. Plusieurs de vos personnages restent encore marqués par l'URSS...Russie et URSS ne sont pas deux pays différents. Le pouvoir soviétique n'a fait qu'utiliser la mentalité du peuple. Porter aux nues Staline soulignait une résurgence de notre esprit monarchiste. Les kolkhozes sont emblématiques d'un trait de la mentalité russe qui est le rassemblement. Raser les églises rappelle l'esprit anarchiste. Les slogans communistes renvoient aux évangiles mais Dieu en est absent. Mes personnages ne sont pas tant marqués par le communisme que par leurs racines. Mais à la source de tout cela, il y a eu en 1917 la volonté d'extirper la religion de la Russie. Or sans le concept de Dieu, la Russie n'existe pas en tant que pays. Propos recueillis par Yasmine You
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