« Manet, inventeur du moderne »

Oui, il est là ce « Déjeuner sur l'herbe », qui fit tant scandale et dans son audace même bouleversa l'art du XIXe siècle. Avec cette oeuvre, Manet entrait dans la modernité. Il est là et bien là, en majesté, avec cette femme nue qui nous regarde comme étonnée, femme épanouie entre deux hommes. Ses vêtements sont éparpillés sur l'herbe sous les reliefs d'un repas. Une idée sublimée du plaisir et de la jouissance telle que, jusqu'à ce tableau, on ne l'avait jamais peinte. Une liberté de ton, une innocence qui émeuvent, tant elles bouleversent les moeurs et l'art. Une des oeuvres qui, plus tard, sera la plus détournée par les artistes du pop art. Ainsi commence le parcours de cette exposition Manet au musée d'Orsay, par un éblouissement... Pas le dernier, juste après que l'on a vu quelques toiles de Thomas Couture chez qui l'artiste s'est formé pendant six ans. Fils de grands bourgeois, Manet voulait être marin mais il rate le concours de l'École navale. Il deviendra peintre. Mais rien n'est facile pour lui. La morosité de son temps ne l'intéresse pas. Il ne tient pas à être ce réaliste qui décrit un monde figé dans le conformisme. Non, Manet voit au-delà de l'ennui. Il voit dans la couleur, dans l'éclat de la lumière, il voit dans la sensualité. Il y a chez lui une nouvelle vision de ce qu'est le plaisir de vivre. D'être là. Avec « Olympia », il en donne une des versions les plus éhontées. Ce n'est pas le corps qui est le plus désirable dans ce tableau, mais la fraîcheur du bouquet que lui tend la servante noire. La chair n'en est pas pourtant triste. Banale tout simplement. La femme, Manet, à travers ses intimes, va en faire son modèle favori. À chaque fois il cerne ce qu'elle veut cacher en elle, ce qu'elle recèle de sensualité, parfois de volupté. Jusque dans l'indifférence comme avec « le Balcon », où il restitue ce qu'il y a de plus secret chez elle. Ami de Mallarmé, de Zola et de Baudelaire, il en donne des portraits uniques, saisis souvent dans leur plus grande intimité. De même avec ses natures mortes, qui n'étaient pourtant que des oeuvres alimentaires. Il dépasse la simple illustration. Ses pivoines, on pourrait dire évanouies, ont une dimension voluptueuse rarement atteinte. Mais le plus touchant dans cette exposition, ce sont sans doute les lettres aquarellées qu'il envoie à une jeune fille. À l'écriture langoureuse et penchée, répondent en en-tête des aquarelles de boutons de rose, de mirabelle, de pêche, de muflier. Le réel est transgressé par l'amour. Musée d'Orsay, 1, rue de la Légion- d'Honneur, 75007 Paris, tél. : 01.40.49.48.14, www.musee-orsay.fr, jusqu'au 3 juillet. Catalogue Gallimard, musée d'Orsay, 42 euros.
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