Rhodia fait un choix de raison en s'offrant au belge Solvay

«Rhodia n'était pas à vendre ! » Le PDG du groupe tricolore, Jean-Pierre Clamadieu, n'en a pas fait mystère : l'opération annoncée ce lundi n'avait rien de prévisible. Et pourtant. Sauf contre-offre, Rhodia, deuxième chimiste français (5,2 milliards d'euros de chiffre d'affaires l'an dernier) tombera cet été dans l'escarcelle du belge Solvay, à peine plus gros que lui (6,8 milliards d'euros de ventes) pour former le sixième acteur mondial du secteur.Avec cette OPA amicale d'un montant de 3,4 milliards d'euros (6,6 milliards en incluant les dettes), qui doit s'ouvrir en juillet, le belge trouve enfin à employer les 4,5 milliards d'euros de liquidités issus de la vente de sa branche pharmacie à l'américain Abbott, en 2009. Solvay se renforce dans la chimie de spécialité, plus rentable, et profite de la dynamique des pays émergents, point fort de Rhodia. En revanche, l'intérêt de Rhodia dans cette opération est moins évident. « J'ai été très surpris des premiers contacts avec Christian Jourquin, je n'étais pas du tout dans cet état d'esprit », a concédé Jean-Pierre Clamadieu. « Tout s'est joué en moins d'un mois », confirme un proche. Fin février, le dirigeant français défendait encore une stratégie de « cavalier seul » en présentant des résultats 2010 record.Après des années marquées par les suites de « l'affaire Rhodia », puis le séisme de la crise financière de 2008, l'ex-Rhône-Poulenc semblait enfin sorti de l'ornière. Pourquoi, dès lors, accepter de se vendre à un concurrent, européen de surcroît ? « C'est l'opportunité d'aller plus vite, avec davantage de moyens », répond Jean-Pierre Clamadieu. « La taille est un élément majeur dans le secteur chimique, très fragmenté. C'est en ajoutant de nouveaux métiers qu'on se développe », confirme un analyste parisien. Les deux groupes mettent en avant les complémentarités de métier, qui leur permettront de générer des revenus supplémentaires en vendant les produits de l'un dans les pays de l'autre. Sans oublier les synergies de coûts, évaluées à 250 millions d'euros sur trois ans.Mais Rhodia seul pèse davantage dans les pays émergents (47 % des ventes contre 40 % pour le nouvel ensemble). Et Rhodia seul est plus rentable (17,3 % de marge d'excédent brut d'exploitation récurrent contre 15 % pour Solvay)... Les véritables explications sont donc ailleurs. Dans le prix payé par Solvay, d'abord. La prime de 50 % sur le dernier cours de l'action Rhodia montre que la cible a posé ses conditions à un rachat non recherché. Dans l'héritage tumultueux du français, ensuite. « Rhodia conserve une dette et des engagements de retraite importants, de l'ordre de 3 milliards d'euros », rappelle un bon connaisseur du secteur. S'adosser à un concurrent solide a du sens.Le dernier point, et non des moindres, est d'ordre stratégique. Avec un flottant de 100 %, Rhodia est à la merci d'une OPA. En rejoignant Solvay, contrôlé par le holding familial Solvac, il se met à l'abri d'une offre hostile. « Solvay nous permet de rester maîtres de notre destin et de choisir les opportunités de développement », confirme Jean-Pierre Clamadieu. La structure de l'opération en témoigne : Rhodia restera une entité à part entière au sein de Solvay. Quant à Jean-Pierre Clamadieu, il se prépare à prendre la tête du groupe belge dans deux ans !Le nouvel ensemble, qui pèsera 12 milliards d'euros, vise des acquisitions en Inde et dans les matières premières renouvelables, deux chevaux de bataille de Rhodia, ainsi que sur les marchés desservant les biens de consommation. Aucune conséquence sociale « majeure » n'est à prévoir, hormis dans les fonctions administratives. Pas question de voir démembré l'un des derniers représentants de l'industrie française. Là encore, Rhodia a eu le dernier mot.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.