L'art au présent

Marrakech se perd dans son passé, se prélasse dans l'oubli. Le rose de sa terre d'argile est là pour le rappeler. Sur ses remparts, ses façades d'immeubles. L'art, elle l'enferme dans la tradition en oubliant de s'épanouir dans le présent. Ce présent il est là, fébrile, audacieux parfois, discret. Un peu trop. Marrakech a besoin d'un miroir. Un miroir qui lui renvoie l'image d'une ville d'aujourd'hui. D'un art d'aujourd'hui, contemporain. Il est vrai qu'à une ou deux exceptions près comme Hicham Daoudi, initiateur d'Art Fair, on ne se précipite pas dans les ateliers d'artistes contemporains. Pourtant des artistes existent. Certes ils ne vivent pas toujours à Marrakech, ayant très souvent trouvés refuge à l'étranger, mais ils sont bien présents dans ce renouveau de l'art marocain. Ils ont pour noms Lalla Essaydi, Carolle Benitah, Mohammed Mourabiti ou Mounir Fatmi. Des artistes remarqués dans certains lieux culturels de Marrakech.En premier au musée de Marrakech qui accueille en ce moment une exposition intitulée « Résonances : artistes contemporains marocains du monde ». Une rencontre en plein coeur de la médina dans un ancien riad du XIXe siècle. Une photographe d'origine marocaine attire l'attention. Lalla Essaydi. Aujourd'hui elle vit à New York. Ce qu'elle montre à travers des photos grand format, c'est une autre image de la femme arabe, le corps recouvert de signes d'un alphabet érotique qui est comme un voile transparent qui la protège et la pousse vers l'intimité. C'est aussi sur le signe, que travaille Mounir Fatmi, né à Tanger. Un peu à la manière de Kader Attia, il réinvente un langage à l'aide d'accumulation d'objets. C'est à la Galerie 127, tenue par une Française Nathalie Locatelli que l'on trouvera l'oeuvre de Carolle Benitah, un livre en 5 exemplaires qui est un peu comme un album de famille revisité par la mémoire. La Galerie 127 est l'unique galerie de photographies dans tout le Maghreb. Nathalie Locatelli, sa propriétaire, propose aussi bien des clichés d'artistes internationaux connus que de débutants qui s'intéressent au Maroc. Partant de photos de famille qu'elle a retrouvées, Carolle Benitah les a assemblées dans un album. Mais l'originalité de son travail tient à la mémoire qu'elle a imprimée sur ces photos à travers un fil rouge cousu sur certains personnages, certains objets. Attitude critique et violente à la fois qui utilise les accessoires de la féminité pour mieux en dénoncer la perversion. Si l'enfance se décline au fil rouge, l'adolescence (à venir) sera en noir et l'âge adulte en doré.Pour trouver Mourabiti, il faut quitter Marrakech pour se rendre à trois quarts d'heure de voiture à Tahanaout dans un lieu-dit Al Maquam. C'est là que Mourabiti, peintre, a construit de ses mains une résidence d'artistes. Un enchevêtrement d'arbres, de plantes, de fleurs, oliviers, bougainvillées, orangers, dédales de pièces toutes ouvertes sur l'extérieur. Et le fin du fin, les logements d'artistes construits tout autour d'une piscine. Mourabiti est un hôte des plus accueillants. Sa peinture qui frise toujours l'abstraction est d'une grande fragilité, en particulier dans ses aquarelles. L'homme s'y faufile un peu comme un fantôme. Bien sûr les artistes en résidence exposent leurs oeuvres. Al Maquam reste un lieu de créativité où l'artiste de demain peut trouver sa place. L'art contemporain y trace son chemin. Jean-Louis Pinte
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