Tout bon navigateur ne saurait prendre la mer sans lui  : son...

Saint James tient bon le ventIl est loin le temps où les marins pêcheurs, partis de longs mois dans les Terre-Neuvas pour la pêche à la morue, embarquaient dans leur sac les sous-vêtements chauds en laine de chez Saint James. Et si sur les chalutiers la polaire l'a désormais détrôné, il y en a toujours un qui traîne encore en fond de cale. « Nous étions et nous sommes encore des bonnetiers », souligne fièrement Yannick Duval le président, natif de Saint-James, le village qui a donné son nom à l'entreprise. Les formes et l'outil de production ont eu beau se moderniser, là-bas, tout près du Mont-Saint-Michel, dans cette usine de 280 personnes, des ouvrières montent encore à la main les vêtements de la griffe. Le pull bien sûr, mais aussi les cotons découpés sur patrons, à la rayure prêt, et entièrement assemblés sur place. Tout comme les grosses pièces, tels les cabans. « On perpétue ici des traditions textiles qui remontent au Moyen Âge », précise Yannick Duval. Même si l'entreprise ne travaille plus depuis les années 1950 la laine des moutons du Mont-Saint-Michel ? trop rêche et trop raide ? à laquelle elle a préféré la qualité des mérinos d'Australie ou de Nouvelle-Zélande. Aujourd'hui, elle reçoit quotidiennement, sous forme de bobines de fils, l'équivalent de 750 tontes de mouton ! Quant aux tricoteuses, inutile de les chercher, ce sont quatre hommes face à des écrans d'ordinateurs qui créent les logiciels de tricotage en fonction des modèles dessinés par les stylistes.Mais il aura fallu de sacrés barreurs pour garder ce navire à flot. En 1959, l'entreprise, aux mains de la famille Bonte après celle des Legallais, est en difficulté. Elle décide, pour alléger son process, d'abandonner la partie amont ? la filature et la teinture ? pour ne garder que la bonneterie. Et se lance commercialement dans les coopératives de marins pêcheurs. Les navigateurs et les touristes s'emparent alors du pull marin. Dans les années 1970, l'entreprise va s'essouffler avec son modèle « officier ». La sécheresse de l'été 1976 lui sert de leçon. Les stocks sont tels que le réassort de l'hiver suivant ne se fait pas. Le navire prend l'eau. Saint James tente le pull de ski en hâte. Mais c'est de la femme que viendra sa planche de salut. Avec ses jolies marinières, ses vestes en laine chaude et élégante, la marque va séduire la gente féminine sur les pontons et dans les stations balnéaires.« Notre ambition n'est pas de devenir une marque de prêt-à-porter. Nous voulons rester résolument marin, ancré dans nos fondamentaux. Mais nous nous devons de séduire toutes les femmes qui aiment la mer? de différentes manières », raconte Jean-Marc Lansac, directeur de collection de Saint James. À « l'authentique », Saint James propose aujourd'hui des modèles classiques, de toujours, à la qualité irréprochable. À la femme « yachting », une mode à porter sur les pontons ou en mer, chic en toute occasion. Enfin aux benjamines, une ligne baptisée Mademoiselle Saint James. « Elle, c'est notre cliente du futur. Celle que nous voudrions avoir, à la mode, mais appréciant nos codes. Pour elle, nous avons décidé de détourner la mode. » Mademoiselle Saint James débarque cet hiver pour la première fois en boutique. Elle va proposer des chemises en chambray ou en vichy avec une délicate broderie dans le dos.Conserver la qualitéAujourd'hui, forte de ses 35 millions d'euros de chiffre d'affaires, l'entreprise s'enorgueillit de sortir 300 références par collection, deux fois par an. Mais pas question de céder complètement aux sirènes de la mode. « On veut rester dans l'indémodable. Et même si nos pulls ne s'usent pas, nous ne voulons pas baisser en qualité. On préfère parier sur la séduction avec de nouveaux produits ou de nouvelles lignes sans tomber dans le sportswear vu partout », martèle le président qui a mené en 1990 le RES ? reprise d'entreprise par les salariés ? lorsque M. Bonte, sans enfants, est parti à la retraite. Bien au fait des tendances de la capitale, il ne lui a pas échappé que les marques branchées du Marais s'étaient emparées de sa marinière. Au point que fin août, l'usine n'arrivait plus à suivre. Les tee-shirts rayés étaient en rupture de stock. Mais Saint James reste imbattable sur la qualité. Avec un produit repris par des remailleuses au moindre défaut, il tient largement la distance face aux concurrents. La marinière va même passer son premier hiver en boutique, elle qui ne sortait de l'usine que l'été ! « On se prépare à un été 2010 formidable », se réjouissent les salariés. Pour preuve, dans les stocks, des centaines de rouleaux de coton rayé de toutes les couleurs sont déjà sagement alignés. Et « Mademoiselle Saint James » pourra porter aux beaux jours une marinière décorée d'une ancre constellée de petits brillants. « On a le droit aux paillettes et au lurex nous aussi. Monsieur Duval m'a dit : ?Bousculez-nous, lâchez-vous? », raconte en riant Jean-Marc Lansac, le directeur de collection. Une façon très habile de dire à tous ceux qui l'auraient oublié : « La marinière c'est nous ! » Sophie Péters
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