Quand la sentence tombe, la salle semble médusée

Affluence et effervescence des grands jours au palais de justice de Paris. Une bonne trentaine de caméras attendent Jérôme Kerviel au tournant - celui qu'il devra emprunter pour accéder à la salle des Criées. L'arrivée de l'ex-trader le plus célèbre du monde déclenche une foire d'empoigne médiatique. Visage fermé, costume et cravate sombres, il reprend mécaniquement la posture qu'il avait adoptée pendant tout le procès, jambes et bras croisés.Le président de la 11e chambre, Dominique Pauthe, examine d'abord l'abus de confiance, pierre angulaire du dossier. Il démonte méthodiquement la thèse de l'avocat de Kerviel, Maître Olivier Metzner, pour qui les négligences répétées de la banque et son traitement défaillant des 74 alertes déclenchées par le trader constituaient un « accord tacite ». Il rappelle que Kerviel avait signé le « cahier des procédures » des traders de la SocGen, qui exigeait de « prévenir le responsable de la conformité avant toute opération d'envergure ».Le noeud coulant se resserreLe juge estime que l'absence avérée de mandat écrit ne valait pas quitus au trader, car « les attentes de sa hiérarchie étaient explicitement énoncées dans les fiches d'évaluation de fin d'année 2006 et 2007 ». Il rappelle bien les déclarations d'un ancien chef du service où travaillait Kerviel, selon qui la hiérarchie avait le « devoir de vérifier la trésorerie » du trader, mais estime que son solde « ne permettait pas de déduire l'importance des volumes traités et encore moins du résultat réalisé ». Regards médusés dans la salle. Deux des arguments clés de la défense sont désormais écartés. Le public sent alors le noeud coulant se resserrer autour du cou de Jérôme Kerviel, dont la mâchoire se crispe de plus en plus souvent. Derrière lui, ses avocats font grise mine, tassés dans leur siège. Le juge enchaîne?: « En passant des ordres exorbitants, Jérôme Kerviel a sciemment, à l'insu de la banque, détourné les moyens techniques mis à sa disposition [...] dès lors, le délit d'abus de confiance est constitué ».Le reste semble couler de source?: Kerviel est déclaré coupable des deux autres chefs retenus contre lui, l'introduction frauduleuse de données et le faux et usage de faux. Évoquant le mobile du trader, le juge retient « la perspective d'un bonus qu'il avait lui-même évalué à 600.000 euros ». Écartant toute circonstance atténuante, il verse alors dans le jugement moral, laissant filtrer son exaspération face à un prévenu qui s'est présenté avec « cynisme » comme « victime d'un système » après avoir « trahi la confiance professionnelle », dans un « total renversement des rôles ». Il lui reproche enfin d'avoir « mené une campagne de communication [...] pendant l'instruction et à l'approche de son procès, voire pendant ». Kerviel est condamné à cinq de prison dont deux avec sursis, avec interdiction définitive de travailler sur les marchés financiers. Le juge accorde à la Société Généralecute; Générale l'intégralité des 4,9 milliards d'euros de dommages demandés. Choqués par l'intransigeance du verdict, certains dans le public poussent des « oh?! ». À l'extérieur, une foule de caméras et de micros sont déjà postés devant la porte, attendant la déclaration vengeresse de Maître Metzner. Benjamin Jullie
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