« Il faut changer les règles du jeu de la zone euro »

jacques Delors, ancien président de la Commission européenneL'euro est-il en danger ? L'euro en tant que tel n'est pas en danger mais la construction européenne risque d'être ralentie. Face au problème grec, les seize pays de la zone euro sont co-responsables de la situation. Ils n'ont rien vu venir, ni de l'endettement privé ni du reste. De ce fait, la discussion « Faut-il intervenir ? » n'avait pas de sens. C'était la co-responsabilité de l'Eurozone : il fallait qu'ils interviennent. A force de tergiverser, ils ont avivé la spéculation, renforcé les doutes et l'euroscepticisme. A présent, ils doivent donc se rattraper. Comme on note les élèves au lycée : « a tous les moyens et peut mieux faire ». Vous considérez donc que la zone euro a mal géré cette crise... Nous avons trop attendu. L'euro n'a pas que des amis dans le monde. Il y en a que ça dérange et ceux qui n'y croient pas. Certains experts pensent qu'il ne peut pas y avoir de monnaie unique si vous n'avez pas un gouvernement politique unique. C'est faux, une union basée sur une partie partagée de la souveraineté peut réussir. Il aurait fallu pour cela un équilibre entre les préoccupations économiques et monétaires et pas simplement la focalisation sur le Pacte de stabilité. Ce n'est pas à travers le Pacte que vous pouviez vous inquiéter du développement de l'endettement privé, en Espagne par exemple. Dès le départ, et je l'avais dit dans le rapport Delors de 1988 puis redit en 1997, il faut que l'Union économique et monétaire (UEM) marche sur ses deux jambes. Je vous assure que si cela avait été le cas, nous aurions vu venir la crise financière et aurions répondu plus rapidement au problème grec. Le Conseil de l'Euro l'aurait même prévenu. Concrètement, que faut-il changer? Ce qu'il faut changer, ce sont les règles du jeu à l'intérieur de l'UEM. Je demeure fondamentalement optimiste. Je crois que l'on va à présent adopter une forme de gouvernance économique, financière et monétaire à l'intérieur de la zone euro, qui la confortera. Paris et Berlin feront justement ce soir, lors du sommet de l'Eurogroupe, des propositions pour renforcer la surveillance budgétaire dans la zone euro... Je le répète : il n'est jamais trop tard pour bien faire. Au-delà du budget et de la dette, il est question d'élargir la surveillance aux questions structurelles et de compétitivité. Est-ce, 60 ans après la Déclaration de Robert Schuman, le début d'un véritable gouvernement économique européen ? Ne mélangeons pas tout. La Déclaration de Robert Schuman mérite mieux que d'être raccrochée à un épisode de la construction européenne. L'appel du 9 mai avait une portée morale et politique qui dépasse largement les controverses présentes. Aussi importantes soient elles. Il a dévoilé une vision, tracé le chemin de la compréhension mutuelle entre les peuples, révélé le véritable humanisme européen. Quel bonheur s'il pouvait encore aujourd'hui inspirer nos dirigeants. n
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