Le Quai d'Orsay ou la fin d'un rêve français

Michèle Alliot-Marie survivra-t-elle à l'acharnement de la gauche ? Devra-t-elle sa retraite anticipée à l'esprit de revanche du clan sarkozyste ? Ou tombera-t-elle, parce qu'elle a fauté, comme c'est arrivé à d'autres membres de gouvernements étrangers, on pense au ministre des Affaires étrangères sud-coréen Yu Myung-sun, contraint de démissionner le 4 septembre, parce que ce vieux renard de la politique avait offert un emploi à temps plein à sa fille au ministère, au Canadien Maxime Bernier, obligé de quitter son poste de chef de la diplomatie en mai 2008, parce qu'il avait laissé traîner des documents confidentiels dans un endroit non sécurisé, ou encore à la ministre allemande de la Santé Ulla Schmidt, poussée à la porte du gouvernement en 2009 après s'être fait voler sa Mercedes de fonction lors de ses vacances en Espagne ? La « démissionnite » n'est certes pas dans les habitudes françaises, et l'avenir de la ministre française des Affaires étrangères n'est pas scellé. Mais qu'elle parvienne à se maintenir artificiellement au gouvernement, ou que l'Élysée marque la fin de la récréation en exigeant son départ, c'est la crédibilité de la diplomatie française qui est entamée. Ce qui ne serait pas une catastrophe si le mal qui ronge le Quai d'Orsay se résumait à l'affaire MAM. Après tout, la France recèle de talents pour porter sa voix à l'étranger. Mais la réalité est plus calamiteuse pour le pays qui se targue de disposer du deuxième réseau diplomatique mondial. Car c'est d'un ministère sonné et évidé dont risque d'hériter le successeur de Michèle Alliot-Marie. Faute d'avoir su résister, au cours des dernières années, à la concurrence de plus en plus forte des nouveaux moyens d'influence, ou d'avoir su préserver ses moyens d'action, le Quai d'Orsay accuse un coup de vieux, faisant douter de son efficacité.Le voilà d'abord de plus en plus concurrencé. De fait, avec l'accession de Nicolas Sarkozy à la présidence française, l'action de la diplomatie française s'est plus que jamais concentrée à l'Élysée, sous la direction du secrétaire général Claude Guéant et du diplomate Jean-David Levitte. De surcroît, l'action élyséenne s'appuie sur des réseaux qui, souvent, court-circuitent le corps diplomatique. Si, en Afrique, cela reste une tradition, en revanche, le chef d'État confie à des missi dominici de délicates missions. L'ex-Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a par exemple été chargé de réchauffer les relations avec Pékin avant de se voir confier une opération de déminage diplomatique avec l'Algérie. D'autres évolutions plus structurelles expliquent le blues des diplomates. Il y a d'abord l'Union européenne. Avec l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne en 2009, Bruxelles s'est dotée d'un service « pour l'action extérieure », dirigé par Catherine Ashton. Si celle-ci peine encore à convaincre dans ce rôle, il n'en reste pas moins que les missions qui lui sont imparties doivent permettre à l'Europe de faire entendre sa voix. Réduisant le niveau sonore des représentations nationales. Avec la mondialisation, cette évolution va d'ailleurs se précipiter. Face à la Chine, qui veut jouer les premiers rôles au G20 et sur la scène internationale, les pays européens devront nécessairement parler d'une seule voix pour se faire entendre.Or, face à cette concurrence, le Quai d'Orsay doit se résoudre à travailler, si l'on écoute ses représentants, avec des bouts de chandelle. Il serait un « ministère sinistré », selon Jean-Christophe Rufin. Consulats, résidences et postes de diplomates n'échappent pas à la moulinette budgétaire, et cette rigueur est souvent mal comprise par les représentants de la France.Or, non seulement les moyens se réduisent comme peau de chagrin, mais nos ambassadeurs se voient rattraper par les technologies modernes. Les crises égyptienne ou tunisienne ? Ils n'ont rien vu venir, ou presque. Certains ministres étaient même mieux renseignés à Paris, en se branchant directement sur l'information émanant des twitters ou autres réseaux sociaux, avant l'arrivée des télégrammes envoyés par les chancelleries. Quant au site WikiLeaks, il a définitivement ridiculisé le secret des négociations diplomatiques.Reste la doctrine. Or, là encore, la diplomatie tricolore est victime d'une rhétorique qui a fait son temps. Les leçons de morale - à géométrie variable - administrées par « la patrie des droits de l'homme » ne portent plus. En lieu et place du sain réalisme dicté par les rapports de force qui devrait commander à la diplomatie ne reste qu'une forme de cynisme soft, comme l'illustre le malaise suscité par le réveillon tunisien de Michèle Alliot-Marie.En nommant Bernard Kouchner au Quai d'Orsay, Nicolas Sarkozy espérait en 2007 relancer la machine diplomatique. Mais les réformes du « french doctor » ont fini dans un lourd silence. Et il ne faut plus compter sur Michèle Alliot-Marie pour réveiller la maison du Quai d'Orsay.L'analyse
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