Les marchés absorbent la dette sans broncher

Expliquer le grand emprunt sans pour autant tout en dévoiler, c'est l'exercice auquel se livre Nicolas Sarkozy ce mardi. Trois ministres (dont Valérie Pécresse et Éric Woerth), deux anciens Premiers ministres ? Michel Rocard et Alain Juppé ? participeront avec lui à la table ronde prévue sur le sujet à Geispolsheim (Bas-Rhin). Le chef de l'État ne précisera pas toutes les modalités de « l' emprunt national », notamment parce que la question de la gouvernance des sommes à investir n'est pas tranchée. L'idée défendue par la commission Juppé-Rocard de créer plusieurs agences suscite plus que des réticences au sein de la majorité (lire « La Tribune » du 7 décembre).L'hôte de l'Élysée n'en confirmera pas moins sa large approbation du rapport de la commission sur les « priorités stratégiques d'investissement et l'emprunt national ». Il en reprendra les grandes lignes, notamment les dépenses suggérées, avec une priorité donnée à l'enseignement supérieur et la recherche. S'agissant du montant, Nicolas Sarkozy ne devrait pas s'éloigner des 35 milliards d'euros préconisés. Mais il insistera sans doute sur le montant d'investissements ainsi finançables selon le rapport, soit 60 milliards d'euros au total, grâce au concours du secteur privé.Une chose est sûre, le « grand emprunt » ne bouleversera pas le marché obligataire. L'an prochain, le Trésor a d'ores et déjà prévu d'émettre 175 milliards d'euros d'obligations pour se financer. Compte tenu de l'apport d'argent frais par les banques qui remboursent actuellement les sommes prêtées par l'État pendant la crise, cet ordre de grandeur ne sera pas remis en cause.C'est la preuve que Nicolas Sarkozy, loin d'écouter son conseiller spécial, Henri Guaino, qui préconisait un grand emprunt approchant les 80 à 100 milliards, a joué la prudence. Il a plutôt écouté sa ministre de l'Économie, Christine Lagarde, qui depuis des semaines affiche son souci de conserver intacte la crédibilité de la signature française sur le marché obligataire. La dette de l'État français atteint déjà 1.140 milliards d'euros (sans compter la dette des agences gouvernementales telles que la Cades). À ce niveau, le cap des 75 % du produit intérieur brut du pays a déjà été dépassé. Selon la loi de finances pour 2010, ce ratio s'élèvera à 84 %, l'an prochain, un niveau qui amène à s'interroger sur le maintien du prestigieux « AAA » accordé par les agences de notation à l'État français. Pourtant, cette dégradation des finances publiques n'inquiète pas les marchés. Comme tous les grands pays, la France bénéficie de l'appétit apparemment sans limite des investisseurs pour la dette souveraine. Depuis la banque centrale de Chine jusqu'aux fonds de pension texans, tous sont friands du « papier » sans risque, quitte à accepter des rémunérations modestes. Une demande qui fait les bons comptes des États surendettés : le coût de cette montagne de dette, pour la France, reste pour l'instant limité à 43 milliards d'euros d'intérêts annuels. Mais attention, que la lassitude gagne ces acheteurs frénétiques et la note sera immédiatement plus salée pour les États. Si les taux d'intérêt à servir sur les obligations françaises repassent les 5 %, un scénario crédible si la reprise économique se confirme dans les prochains mois, la facture serait immédiatement augmentée de plus de 800 millions d'euros?
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