YSL en lettres monumentales

La rétrospective Yves Saint Laurent, qui commence le 11 mars, à Paris, est une première. Jamais, dans l'histoire, un créateur de mode n'avait bénéficié d'un tel honneur, de cette ampleur. Coco Chanel n'a pas eu droit à cela. Christian Lacroix doit s'en mordre les doigts. Malgré les indignations, les déclarations de bonne intention, et les promesses, ni Frédéric Mitterrand, au ministère de la Culture, ni Christian Estrosi, au ministère de l'Industrie, n'ont pour l'heure trouvé de solution à la maison Lacroix. Le créateur ayant perdu ses droits, la maison Falic ne manquera pas de mettre en vente les trente ans de vêtements et d'accessoires pour rentrer dans ses frais. Déjà, la maison Chayette & Cheval organisera, le 28 mars à Drouot, la vente des 60 robes créées par Lacroix pour la maison Patou à l'occasion du défilé haute couture printemps-été 1987.Yves Saint Laurent l'avait lui-même glissé à l'oreille de Christian Lacroix, lors de leur première rencontre, au bal des fées donné en 1987 par Marie-Hélène de Rothschild : « En mode, l'important c'est de durer. » L'idée de la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent est née en 1993. Historiquement, Pierre Bergé a toujours veillé à la protection de leur patrimoine. Conscients de l'importance de l'oeuvre en marche, même si l'un et l'autre, « l'aigle à deux têtes », s'en sont toujours défendus : « La mode n'est pas un art, mais Yves Saint Laurent la pratiquait en artiste », ils ont donc tout mis en oeuvre pour que les 5.000 vêtements et 15.000 accessoires, dessins et croquis réalisés en quarante années, soient conservés comme dans un musée, au 5, avenue Marceau, dans l'hôtel particulier de la maison YSL, sous haute protection, à température constante. 18 degrés précisément, avec un taux d'hydrométrie inférieur à 50 %, des placards antipoussières, et des boîtes d'archives anti-acides.Le 11 mars, c'est donc ce grand oeuvre qui s'installe au Petit Palais. La rétrospective, orchestrée par Florence Müller et Farid Chenoune, va subjuguer le public. Les 307 modèles de haute couture, depuis ses tous premiers, réalisés pour Dior en 1958, aux dernières robes du soir créées en 2002, vont démontrer le génie créatif du couturier. Une coupe en biais, un brocard, une mousseline de soie rebrodée... L'essence même de l'élégance va se déployer sous nos yeux. De « Belle de jour » aux photographies de Jean-Loup Sieff... C'est un témoignage clé du siècle dernier. Car, si Coco Chanel a libéré les femmes du carcan (le corset), c'est bel et bien Yves Saint Laurent qui les a accompagnées dans leur libération sexuelle. Avec lui, elles ont pris le pouvoir sur leur vie, choisi leurs amants. Il les revêtait pour mieux qu'ils les déshabillent, détournant le vestiaire si cher à Madame Chanel de la bourgeoise, rendant la chemise lavallière transparente, serrant bien fort la taille, ouvrant jusqu'au vertige le décolleté, portant le smoking à peau nue, tandis que la jupe, certes, toujours à longueur du genou, se fendait jusqu'à mi-cuisse.points de couture« Les Saint Laurent », toutes celles et tous ceux qui ont eu le plaisir d'apprécier sa gentillesse, seront en reste. En devenant monumentale, l'oeuvre perd de sa vibration ; il lui manque le souffle de la vie. Mais désormais, c'est le prix de l'histoire, seuls demeurent les souvenirs et les points de couture. C'est beaucoup. n Rétrospective jusqu'au 29 août, au Petit Palais, avenue Winston-Churchill, 75008 Paris.Catalogue, coédité Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent et les Éditions La Martinière, 212 illustrations, 312 pages, 40 euros.www.fondation-pb-ysl.net
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