Penser le changement plutôt que changer le pansement

« Savoir entrer dans le mal » : voilà aux yeux de Machiavel l'un des aspects les plus délicats du métier de prince. Entrer dans le mal à la façon du bon médecin dont le diagnostic prévient la maladie, alors même qu'aucun signe visible ne l'annonce. Entrer dans le mal pour mieux en sortir, temporiser ou réagir. Machiavel avait, avant Freud, pointé le primat du questionnement sur les théories. Les DRH et dircom devraient en prendre de la graine, eux qui semblent bien fâchés avec la perception du changement. Si plus de la moitié d'entre eux s'attendent à de nouvelles orientations stratégiques et des changements d'ordre organisationnel en 2011-2012, très peu sont confiants dans leur capacité à mener un processus de changement. L'enquête, menée pour Burson-Marsteller par l'Institut Penn Schoen & Berland Associates auprès de 500 personnes dans 10 pays européens, souligne également que 65 % des responsables interrogés insistent sur l'importance d'avoir un plan de conduite du changement, mais seule la moitié d'entre eux en a déjà mis un en place. Suffit-il d'un plan ?se Condamner à l'échecPour les chercheurs en psychologie des organisations, méconnaître le vécu de chaque salarié face au changement, c'est se condamner à l'échec. Élémentaire mon cher Watson : qu'est-ce que l'entreprise si ce n'est un ensemble d'individus ? Manfred Kets de Vries, professeur de leadership à l'Insead et consultant en transformation des organisations, ne dit pas autre chose dans son ouvrage « Combat contre l'irrationalité des managers » (Éditions d'Organisation) : « Cela peut coûter cher d'appliquer des modèles simplistes du comportement humain. Observer d'un point de vue clinique les étapes successives du changement individuel permet d'établir des parallèles entre les phénomènes de transformation tels qu'ils se déroulent chez l'individu et dans l'entreprise. » C'est malheureusement un paradoxe bien connu : on préfère souvent une situation mauvaise mais familière, à l'inconnu même le plus prometteur. Si on rechigne à évoluer, c'est en partie à cause des gains secondaires (attention, compassion, victimisation, etc.) obtenus en manipulant notre environnement de façon à continuer comme avant. Pour catalyser un changement, il faut qu'une gêne suffisamment forte se fasse sentir de façon à prendre des mesures radicales. Les chercheurs parlent même d'« événement révélateur », quelque chose qui nous fasse dire « cette fois-ci, ce n'est plus possible ». La fameuse goutte qui fait déborder le vase. De même, la transformation dans l'entreprise se déclenche sous l'effet d'une période préalable de stress ou d'une menace suffisamment inquiétante pour emporter l'adhésion. Car les résistances et les peurs sont telles qu'elles pèsent de tout leur poids quand bien même l'orage gronde. L'astuce consiste à démontrer que maintenir les choses en l'état coûterait plus cher que de sauter dans l'inconnu. Chacun doit se rendre compte des conséquences qu'auraient dans ce cas l'inaction et l'immobilisme y compris sur le plan personnel. Comme dans le cas du changement individuel, la souffrance est (hélas) une puissante source de motivation. À condition qu'elle s'accompagne d'espérance sans quoi elle devient destructrice. L'espoir devenant ainsi la passerelle entre préparation et transformation.
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